4 septembre : la réforme constitutionnelle de 1992
A l’aube des années 1990, le Maroc sortait progressivement des tensions politiques et sociales qui avaient marqué les décennies précédentes. Les années 1970 et 1980 avaient été synonymes de répression, de restrictions des libertés publiques et de tentatives de coups d’Etat manqués. La Monarchie avait dû affronter de fortes contestations, notamment de la part des partis d’opposition comme l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et le parti de l’Istiqlal.
Dans ce climat, feu le roi Hassan II entreprend de donner au régime une nouvelle légitimité. Sous la pression interne et internationale, avec une attention particulière des organisations de défense des droits humains et des institutions financières internationales, le Souverain annonce en août 1992 un projet de réforme constitutionnelle. Le Maroc veut moderniser l’architecture institutionnelle et ouvrir la voie à une démocratisation progressive.
Les nouveautés de la réforme constitutionnelle de 1992
La réforme constitutionnelle de 1992 au Maroc introduit plusieurs innovations. Parmi les plus intéressantes, l’on peut noter la création du Conseil constitutionnel chargé de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Cet organe venait compléter le dispositif institutionnel.
Il y a aussi le renforcement du Parlement avec les lois qui devaient désormais passer par le vote parlementaire. Puis un élargissement relatif des pouvoirs du premier ministre, la réforme lui accordait une marge de manœuvre supplémentaire.
Par ailleurs, pour la première fois, la Constitution marocaine intégrait des dispositions plus claires en matière de libertés publiques, signe d’une volonté de répondre aux critiques internationales.
Le référendum du 4 septembre et son résultat
Le référendum organisé le 4 septembre 1992 aboutit à une approbation massive du projet constitutionnel. Selon les chiffres officiels, plus de 99% des votants se prononcèrent en faveur de la réforme, avec une participation annoncée de plus de 90%.
Ce plébiscite, présenté comme un signe d’adhésion populaire, fut néanmoins largement contesté par l’opposition. Les partis d’opposition dénonçaient des conditions électorales peu transparentes, un contrôle strict du processus par les autorités et l’absence de garanties réelles pour une expression des citoyens.
Il ne faut pas oublier que même si la réforme constitutionnelle de 1992 fut saluée par certains observateurs comme un signe d’ouverture, elle fut perçue par l’opposition comme une réforme essentiellement « image », « cosmétique ». L’opposition considérait que cette réforme ne répondait pas aux aspirations profondes de démocratisation et de rééquilibrage des institutions.
Quoiqu’on en dise, ou en pense, malgré ses limites, la réforme constitutionnelle de 1992 au Maroc eut une portée historique. Elle amorça un mouvement de transformation qui trouva un prolongement plus conséquent dans la réforme de 1996.
Cette dernière introduira un bicaméralisme parlementaire et ouvrira la voie à l’expérience politique inédite de l’« alternance consensuelle ». En 1998, pour la première fois, un gouvernement dirigé par l’opposition, celui de Abderrahmane Youssoufi, figure de l’USFP, prit les rênes de l’Exécutif.
Abderrahmane Youssoufi, modèle d’honnêteté de la classe politique
En ce sens, la réforme constitutionnelle de 1992 peut être considérée comme un premier pas, prudent, certes, mais destiné à préparer le terrain à des évolutions plus profondes, sans pour autant transformer immédiatement la nature du pays.
Une réforme à replacer dans le parcours politique du Maroc
La réforme constitutionnelle de 1992 au Maroc témoigne de la manière dont le pays a entamé une transition graduelle, contrôlée par le pouvoir monarchique. Elle illustre le principe d’« ouverture maîtrisée », à savoir accorder des concessions pour répondre aux pressions internes et internationales, tout en préservant le pouvoir.
Plus de trente ans plus tard, cette réforme conserve sa valeur symbolique. Elle reste associée à une époque où le Maroc cherchait à tourner la page des tensions politiques passées et à s’inscrire dans une dynamique de modernisation institutionnelle. Un peu comme un compromis à mi-chemin entre ouverture et tradition, qui continue d’alimenter le débat sur la trajectoire démocratique du Maroc.
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