Le 28 mai 1767, un traité est signé entre le sultanat du Maroc et la monarchie espagnole. Ce traité de « paix et d’amitié » vient clore un long chapitre de raideurs et d’accrochages entre les deux voisins.

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C’était il y a plus de deux siècles. En ce 28 mai 1767, le Maroc du sultan Mohammed ben Abdallah (le sultan Mohammed III pour les Européens) et l’Espagne de Charles III signent un accord de bienveillance, qui marque la fin d’une époque de méfiance.

Ce document prévoit la protection des sujets espagnols au Maroc ainsi qu’un dialogue plus posé. Car depuis des siècles, les relations entre le Maroc et l’Espagne sont faites de heurts, d’occupations de ports, de razzias, de représailles, de négociations et d’ambiguïtés. Dès le XVe siècle, l’Espagne s’installe sur des points côtiers du nord marocain (Sebta, Melilia et le Rocher de Badis), et d’autres places fortes, provoquant régulièrement des tensions avec les Sultans qui voient là une atteinte à leur souveraineté.

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Au XVIIIe siècle, malgré une certaine accalmie, la situation reste instable. Les deux Royaumes partagent une histoire commune, mais tourmentée, avec une Méditerranée devenue le théâtre d’un jeu d’influence permanent entre Ottomans, Espagnols, Français et puissances nord-africaines. Les affrontements en mer sont fréquents, les accrochages entre corsaires et marins européens sont monnaie courante et la piraterie continue de pimenter les tensions diplomatiques.

Un Sultan visionnaire

C’est dans ce contexte que deux figures entrent en scène : Mohammed ben Abdallah, Sultan du Maroc depuis 1757, et Charles III, roi d’Espagne depuis 1759. L’un comme l’autre ont compris que la stabilité passait par une certaine forme de modernisation. Le sultan Mohammed III cherche à restructurer son Royaume, à développer le commerce, à bâtir une armée régulière. Il fonde Essaouira, renforce les ports, tente de tisser des liens avec les puissances européennes tout en maintenant l’indépendance du pays.

Charles III, de son côté, mène un programme réformateur en Espagne. Il veut rationaliser l’administration, relancer l’économie, pacifier les relations avec ses voisins pour mieux asseoir son autorité. Le Maroc, pour lui, est à la fois un risque et une opportunité.

Le document signé le 28 mai 1767 à Marrakech, certains disent à Rabat, les sources varient, est sobrement intitulé « Traité de paix et d’amitié entre le roi d’Espagne et le sultan du Maroc ». En réalité, c’est un accord de reconnaissance mutuelle. Le Maroc s’engage à protéger les ressortissants espagnols présents sur son territoire. En retour, l’Espagne s’engage à respecter les navires marocains et à ne pas interférer dans les affaires internes du Royaume.

Ce n’est pas un traité commercial à proprement parler, mais il ouvre la voie à des échanges plus fluides. L’accord ne règle pas toutes les tensions, à titre d’exemple, Sebta et Melilia resteront des points de friction jusqu’à nos jours.

Ce que montre ce traité, c’est que le Maroc du sultan Mohammed III n’est pas une entité passive dans le jeu international. Bien au contraire. Le Sultan joue sur plusieurs tableaux : il signe des accords avec la France, l’Angleterre, les Pays-Bas, et même avec les jeunes États-Unis en 1786. Il cherche à équilibrer les influences, à préserver son autonomie, à éviter la mainmise coloniale.

Avec l’Espagne, il choisit le dialogue là où beaucoup auraient voulu la confrontation. La paix, elle, permet de commercer, de construire, de former des alliances.
Le traité de 1767 sera renouvelé, modifié, adapté au fil du temps. Il servira de base à d’autres accords, plus spécifiques, notamment sur le commerce ou la pêche. Mais il restera comme le premier grand texte de paix entre les deux nations.

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