Chaque 1er mai, les rues marocaines résonnent au rythme des slogans syndicaux et des revendications sociales. Mais derrière ce jour chômé et payé se cache une histoire vieille de plus d’un siècle, marquée par des luttes, des sacrifices et des conquêtes sociales. Retour sur l’origine et l’évolution d’une journée pas comme les autres.

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Ce jeudi 1er mai, comme chaque année, les travailleurs marocains célèbrent la Journée internationale du travail. Une tradition mondiale ancrée dans la mémoire ouvrière, symbole de luttes pour la dignité et la justice sociale. Pourtant, peu se souviennent de l’origine de cette journée qui, au fil du temps, est devenue un repère dans le calendrier militant. Pour la comprendre, il faut remonter à la fin du XIXe siècle, de l’autre côté de l’Atlantique, au cœur des luttes ouvrières américaines.

Chicago 1886 : la grève qui a tout déclenché

L’histoire du 1er mai commence aux États-Unis. En 1886, les syndicats américains appellent à une grève nationale pour revendiquer la limitation du temps de travail à huit heures par jour. Le 1er mai, près de 350.000 travailleurs cessent le travail, paralysant plusieurs villes industrielles, dont Chicago, épicentre de la contestation.

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Pendant trois jours, les manifestations s’enchaînent. Le 3 mai, à McCormick, la tension monte d’un cran, la police charge les manifestants, appuyée par l’armée. Le bilan est lourd, six morts, des dizaines de blessés. Le lendemain, une bombe explose lors d’un rassemblement, causant la mort de quinze policiers. La répression est féroce, mais la cause ouvrière sort renforcée. Cette mobilisation marque un tournant dans l’histoire syndicale mondiale.

Du sang versé à la reconnaissance internationale

Trois ans plus tard, en 1889, l’Internationale socialiste réunie à Paris décide de faire du 1er mai une journée de mobilisation internationale pour la réduction du temps de travail. Le symbole est fort. La date devient celle de la solidarité ouvrière, autour d’un slogan simple et percutant : « 8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisir. »

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La célébration du 1er mai s’étend rapidement à travers le monde. Mais elle n’est pas toujours pacifique. En 1891, à Fourmies, dans le nord de la France, la manifestation tourne au drame, la police tire sur la foule, faisant dix morts. Malgré ces violences, le mouvement ouvrier continue de faire du 1er mai un moment de lutte et de rassemblement.

Le 1er mai au Maroc : une fête née dans la résistance

Au Maroc, la première célébration du 1er mai remonte à 1951. Le pays est encore sous protectorat français. À Casablanca, des syndicats clandestins organisent un rassemblement au stade Père Jégo. Il est rapidement dispersé par les autorités coloniales. À l’époque, les revendications dépassent le cadre professionnel : les travailleurs marocains réclament surtout l’indépendance du Royaume.

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C’est en 1955, à l’initiative de l’Union marocaine du travail (UMT), créée quelques semaines plus tôt, que le 1er mai prend une nouvelle dimension. Cette première grande manifestation postérieure à la reconnaissance syndicale affiche trois mots d’ordre : union, indépendance et démocratie. La fête du Travail devient dès lors un rendez-vous incontournable de la mobilisation sociale marocaine.

Une journée de lutte, au fil des générations

Depuis, le 1er mai au Maroc a traversé les décennies, reflétant les préoccupations des travailleurs à chaque époque. Dans les années post-indépendance, les revendications portaient sur le droit au travail et à la protection sociale. Dans les années 1980-1990, le mot d’ordre s’élargit à la liberté syndicale, à la lutte contre la répression et aux hausses salariales.

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En 2018 encore, les syndicats n’hésitaient pas à hausser le ton face au gouvernement El Othmani, exigeant des revalorisations salariales substantielles. Le pouvoir proposait alors une enveloppe de six milliards de dirhams pour « acheter » la paix sociale. Une offre jugée insuffisante par les centrales syndicales.

Un héritage toujours vivant

Aujourd’hui, le 1er mai est toujours un jour chômé et payé au Maroc, mais il est loin d’être un simple jour de repos. C’est une date à haute portée symbolique, un moment pour dresser le bilan des avancées sociales et pointer les retards. Le chômage des jeunes, la précarité de l’emploi, le pouvoir d’achat ou encore la protection sociale demeurent au cœur des revendications.

Ce jeudi, les cortèges reprendront leurs droits dans plusieurs villes du Royaume. Des banderoles seront brandies, des discours prononcés, et peut-être, des promesses arrachées. Mais au-delà des slogans, cette journée rappelle qu’aucun droit n’a été obtenu sans lutte. Le 1er mai n’est pas une fête comme les autres : c’est la mémoire vivante des combats pour la dignité au travail.

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