Santé : nouvelle colère des pharmaciens

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Médecins marocains et antibiotiques : le mauvais réflexeDes médicaments. Image d'illustration © DR

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Rupture de stock pour certains médicaments, exclusion de la prise de décisions et de l’élaboration des politiques publiques en la matière, effritement du monopole pharmaceutique et écartement des opérations de dépistages de la Covid-19. Tels sont les principaux facteurs de la nouvelle colère des pharmaciens du Maroc. Depuis quelques jours, ces derniers arborent des brassards noirs en signe de protestation contre la détérioration de leur secteur et le manque de considération dont le ministère de tutelle fait montre à l’égard de leur profession et de ses contributions.

Les pharmaciens du Royaumesont encore en colère. En raison du manque de considération dont le ministère de la Santé et de la Protection sociale fait montre à l’égard de la contribution de ce corps professionnel au chantier de réforme du système de santé et à la lutte contre la Covid-19, la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) a appelé ses membres à porter des brassards noirs en signe de protestation. Les professionnels de ce secteur dénoncent leur «exclusion systématique» de la prise de décisions et de l’élaboration des politiques publiques.

Selon Mohammed Lahbabi, président de la CSPM, cette nouvellecolère«intervient suite aux décisions improvisées du ministère et à la rupture totale du dialogue avec les professionnels de ce secteur depuis plus de trois années». La décision du port de brassards, poursuit-il, vise à protester contre le déni du ministère concernantla rupture de stock des médicaments utilisés dans le traitementdu rhume et dela Covid-19 ainsi que de plusieurs antibiotiques. Une pénurie, qui pour la CSPM met endanger et menace la santé des citoyens.

Le président de la CSPM estime que la grogne des pharmaciens «est une suite logique après la suspension de tous les chantiers de réforme engagés dans le cadre du dialogue entretenu auparavant avec le ministère». «Nous souhaitons également dénoncer l’approche du ministère basée sur la prise de décisions unilatérales sans concertation avec les professionnels du secteur, en l’occurrence les pharmaciens, et leur exclusion de l’élaboration de politiques sanitaires depuis l’avènement de la pandémie»,lance Lahbabi.

De plus, la Confédération a prévenu dans un communiqué de presse qu’elle envisage de recourir à d’autres formes de protestation à l’avenir pour dénoncer l’approche du ministère. Et de lancer : «nous avons déjà organisé plusieurs actes de protestation depuis 2011 et comptons recourir à toutes les formes de protestation légales pour faire entendre notre voix».

Lire aussi :Covid-19 : les autotests retirés des pharmacies

La colère des pharmaciens est légitime, selon Belaiche

Selon Abdelmajid Belaiche, analyste des marchés pharmaceutiques, la colère des pharmaciens est légitime et justifiée. Il explique à notre rédaction que le secteur souffre depuis plusieurs années de problèmes fondamentaux. L’analyste a révélé que les officines ont subi ces dernières années des baisses de prix sans aucune mesure d’accompagnement. Il soutient qu’«après les différentes baisses de prix qui ont été imposés depuis 2014, le revenu des pharmaciens a baissé de moitié. Les professionnels de ce secteur ont également subi des pertes importantes en raison du changement du système de fixation des tarifs». Aussi, notre intervenant déplore qu’en raison d’un manque criant desoutien des autorités compétentes, ce secteur continue de voir ces professionnels faire faillite et fermer boutique.

En outre, «la mauvaise gestion de ce secteur favorise aussi la flambée du nombre d’officines. En raisonde cettemultiplication, la quantité de médicaments disponible au Maroc est distribuée et partagée entreun nombre plus important de pharmacies», avance notre interlocuteur. Ce dernier cite également le problème de l’effritement du monopole pharmaceutique.«Selon la loi n° 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie, certains produits de santé ne doivent être vendus qu’en pharmacie. Il s’agit notamment des produits vétérinaires, des vaccins, des produits dermocosmétiques etdes dispositifs médicaux stériles implantables. Cependant, ces derniers sont devenus disponibles dans plusieurs endroits : les produits vétérinaires chez les vétérinaires, certains vaccins chez les médecins comme les pédiatres, les produits dermocosmétiques chez les parapharmacies et les dispositifs médicaux chez les vendeurs de matériels médicaux. Ainsi, les seuls produits que les pharmacies peuvent désormais vendre sont principalement des médicaments. Et encore !», note notre expert.

Par ailleurs, Abdelmajid Belaiche précise que les pharmaciens ontété écartés de la réalisation des autotests et des tests antigéniques contre la Covid-19, alors que dans d’autres pays,notamment en Europe, leurs homologues sont habilités à effectuer ce genre de tests en plus des prélèvements naso-pharyngés. Une contribution importante qui permet d’identifier à temps les infections au virus et de prendre en urgence les mesures sanitaires nécessaires pour prévenir de nouvelles contaminations.

Enfin, il est clair que tous ces facteurs, en plus des effets et des contraintes de la crise sanitaire, ont aggravé la situation des pharmacies du pays. Reste désormais à attendre la réaction de la tutelle ainsi que les mesures qu’elles pourraient implémenter pour soutenir ce secteur, essentiel pour assurer la sécurité sanitaire des Marocains.

Lire aussi :Abdelmajid Belaiche : «l’industrie pharmaceutique prend un grand virage»

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