13 au 15 mars 1963 : quand Hassan II abordait la question frontalière en Algérie
Feu le roi Hassan II, Souverain avisé, n’ignorait rien du poids du passé.
Deux ans auparavant, en 1961, alors que l’Algérie luttait encore pour son émancipation, un accord tacite avait été scellé entre le Maroc, la Tunisie et le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). L’une des sources historiques évoquant le traité du 6 juillet 1961 figure dans un article publié en avril 1968 dans la Revue française de science politique.
Cet engagement, plein de la solidarité des peuples en quête de liberté, stipulait que les questions territoriales seraient mises en suspens jusqu’à l’indépendance de l’Algérie. Le GPRA avait même reconnu, avec une sincérité alors indiscutable, que les frontières imposées par le colonisateur ne pouvaient être considérées comme définitives.
À Rabat, feu le roi Hassan II et Ferhat Abbas, président du Gouvernement provisoire algérien, signent un accord stipulant que les questions territoriales ne seront abordées qu’après l’indépendance de l’Algérie, le 6 juillet 1961 © DR
Mais l’Algérie de mars 1963 n’était plus celle d’hier. Ahmed Ben Bella, premier président d’un État encore en construction, avait d’autres priorités. Entre la consolidation du pouvoir, les luttes internes au sein du FLN et la nécessité d’asseoir une unité nationale vacillante, le temps des discussions sur les frontières semblait prématuré. Lors de cette visite officielle, feu le roi Hassan II rappela avec fermeté l’accord passé, espérant ouvrir une brèche vers un dialogue constructif. Pourtant, Ben Bella, oscillant entre pragmatisme et embarras, demanda du temps. Du temps ? Alors que tout est scellé ? Pourquoi faire ? Un répit que la presse marocaine perçut aussitôt comme un ajournement incertain, un report qui laissait présager des tensions à venir. Et cette analyse fût malheureusement la bonne !
Grandis-la, elle rapetisse
Au Maroc, cette question des frontières ne relevait pas seulement d’une querelle administrative. Elle touchait au cœur même de l’identité nationale, à la mémoire blessée d’un territoire amputé par les décisions unilatérales de l’ancienne puissance coloniale. La presse marocaine, déjà vigoureuse et patriotique, se fit l’écho de cette inquiétude grandissante.
Les éditorialistes dénoncèrent le silence algérien comme une esquive, un refus de reconnaître une promesse faite dans l’urgence de la lutte. Le Maroc n’a jamais tourné le dos à l’Algérie lorsqu’elle combattait pour son indépendance. Pourquoi refuser la justice que les peuples ont tant attendue ?, interrogeait ainsi plusieurs médias de l’époque.
La population, bercée par les récits de la lutte commune contre le colonialisme, peinait à comprendre pourquoi l’amitié proclamée semblait vaciller face à la question frontalière. Certains commentateurs rappelaient que l’Algérie, encore fragile, cherchait avant tout à éviter une instabilité interne. D’autres, plus incisifs, voyaient dans cette position une volonté de sanctuariser les frontières héritées de la colonisation, malgré les assurances passées.
Feu le roi Hassan II, lui, restait maître de lui-même, comme à son habitude. Il quitta Alger avec la courtoisie du diplomate, mais avec la résolution de l’homme d’État.
L’Histoire, il le savait, ne s’écrivait pas seulement dans les accords, mais aussi dans les attentes et les non-dits. Et dans le silence algérien, il entendait déjà les échos d’une crise qui, quelques mois plus tard, allait se muer en une opposition ouverte.
Très bonne approche. Très bon texte qui résume parfaitement la question.