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Ramadan : évasion dans les ruelles des médinas

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Le mois sacré est un moment propice pour s’évader. Même si les conditions actuelles liées à la crise sanitaire ne s’y prêtent pas trop, une escapade à l’une des médinas (anciennes villes) du Royaume comblera de bonheur tout visiteur. C’est que ces vieilles cités ont une âme. Elles ont su conserver leur cachet ancestral avec une authenticité envoûtante. Leurs monuments, témoins du legs des ancêtres, nous renseignent sur la grande civilisation marocaine et une partie de son histoire lointaine.

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Au Maroc, 31 villes ont conservé leurs médinas. Les trois plus importantes sont Marrakech, Fès et Meknès qui rassemblent la moitié de la population médinoise, soit 700.000 habitants. Nichées au cœur des capitales historiques du Maroc, dans les cités millénaires ou dans les petites villes, les médinas se cachent derrière de hauts murs et renferment de précieuxtrésors architecturaux, culturels et d’art de vivre.

Histoire des médinas

Depuis la naissance des cités islamiques, le mot d’origine arabe « médina » renvoyait vers « la ville »par opposition au mot «qaria» (campagne). Avec la colonisation européenne et la création de « villes nouvelles », comme à Fès, ancienne capitale de l’Empire chérifien, le terme ne désignait plus que la « ville historique »ou « ville traditionnelle ». Il s’agit en fait «de tout ensemble de quartiers citadins, d’origine précoloniale et initialement entouré de murailles», comme le définissait le Haut-Commissariat au Plan en 1991.

Par ailleurs, selon le spécialiste des cités arabo-islamiques Mohamed Métalsi : «les villes marocaines se sont reconstituées au XIIIe, XIVe, XVe siècles et ont continué à évoluer jusqu’à la colonisation. Ce sont des villes protégées, constituées par quartiers, eux-mêmes enveloppés» (Fès, la ville essentielle, éd. Arc, 2003). Les médinas se caractérisent par une grande mixité d’activités humaines. Elles forment un espace où viennent se juxtaposer les fonctions résidentielles, économiques, sociales et culturelles. Toute médina est protégée par des remparts et on y accède par des portes généralementnommées en référence à un événement, à une personnalité, à une situation géographique ou à un jour de la semaine. Vous avez sûrement entendu parler des remparts de la médina de Salé qui s’étendent sur une longueur de 4,5 kilomètreset sont percés de portes monumentales qui étaient habituellement ouvertes le jour, fermées après le coucher du soleil, ou lorsque des événements importants survenaient.

Que ce soit dans la médina de Salé ou dans n’importe quelle autre médina, à côté de chaque portail, se trouveune petite porte servant à faire rentrer les habitants retardataires quand la grande porte est fermée. Généralement, les portes restaient fermées toute la nuit.

Des lieux mémorables

Lieux de vie et de mixité par excellence, ayant accueilli des générations successives de Marocains et d’étrangers, ces médinas comptent toujours des millions d’habitants qui y vivent en animant leurs ruelles. Celles de Fès, Tétouan, Essaouira et Marrakech sont inscrites au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). La ville historique de Meknès, la cité portugaise de Mazagan à El Jadida et Rabat, ville historique et capitale moderne le sont également. Les médinas de Tanger, d’Oujda, de Salé, de Taroudant et de Safi méritent également le détour.

Installées sur la façade maritime avec leurs canons pointés sur l’Océan ou escarpées sur les pentes de montagnes, les médinas proposent aux visiteurs de faire un voyage dans le temps. Chaque médina raconte sa propre histoire. Ses murs narrent les épopées des dynasties marocaines qui les ont façonnés. Les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les Mérinides, les Wattassides, les Saadiens et enfin les Alaouites, toutes ces dynasties ont laissé leurs empreintes sur l’architecture et le plan urbain de chacune des médinas marocaines. Bâtiments serrés, voies étriquées et réseau labyrinthique d’artères mal dessinées et de ruelles en impasses, telle est la photographie générale. Prenons comme exemple la plus ancienne et la plus grande médina du Maroc. C’est sans conteste celle de Fès, bâtie par le fondateur de l’État marocain Moulay Idriss 1er et qui s’étale sur plus de 280 hectares.

fès

Le premier noyau de la ville connusous le nom de Fès al Bali (Fès antique), fut construit par Idriss 1eren l’an 789. En 908, son fils Moulay Idriss II fonde une nouvelle partie de la ville sur la rive gauche de l’oued Fès. La ville fut alors entourée d’une enceinte percée de six portes et dotée d’une mosquée, d’un palais et d’un marché. En 857, une femme dénommée Fatima Al Fihriya fit construire dans le quartier de la rive gauche la mosquée Al Qaraouiyine et l’université éponyme. Sous le règne du sultan almoravide Youssef Ben Tachefine (1060-1106), la cité à l’origine divisée en deux quartiers sera unifiée. Le Souverain almoravide détruit les murailles qui la séparaient en deux et suscite un renouveau de la vie économique en construisant foundouqs (hôtelleries), bains et moulins.

En 1143, c’est au tour des Almohades de prendre le contrôle de la ville de Fès. Derrière ses murailles, la ville s’organise et se modernise avec son système d’approvisionnement en eau, ses corporations, son aristocratie, etc. Sous les Mérinides, au milieu du Xllle siècle, Fès devient capitale du Maroc et connait son âge d’or. Le premier grand monarque de cette dynastie, Abou Youssef Yacoub, fonde Fès Jdid (le nouveau Fès) en 1276, immédiatement à l’ouest de la ville, lefortifie d’une enceinte puissante, ledote d’une grande mosquée, de quartiers résidentiels, de palais etde jardins. Au XlVe siècle, un quartier juif voit le jour. C’est le tout premier mellah du Maroc. L’héritage des Mérinides comprend également plusieurs médersas (écoles) avec des caractéristiques différentes de taille et de décor, rivalisant de beauté et de symétrie, organisées autour depatios à portique plus ou moins vaste dont le centre est occupé par une vasque ou un bassin.

Se perdre dans les ruelles de la médina

Certains de nos compatriotes n’aiment pas aller à la médina. «C’est un lieu pour les touristes», disent-ils. Pourtant, ça reste le point de rassemblement de tous les métiers et le lieu où l’on peut trouver tout ce que l’on a envie d’acheter. C’est vrai que la visite est parfois désagréable du fait de l’insécurité, du manque de salubrité et du dérangement occasionné par l’étroitesse des rues mais le déplacement en vaut la peine. Pendant le mois de Ramadan, les médinas sont calmes en matinée, un moment propice pour ceux qui n’aiment pas le côté grouillant. Chaussez des espadrilles avant d’aller flâner dans les rues de la médina, des rues parfois en pente comme dans les médinas de Fès, Chefchaouen ou Tanger. Dans les dédales des anciennes villes, la chaleur des habitants est intacte, c’est bouillonnant, le cadre est bucolique et les couleurs et les senteurs sont saisissantes. On en prend également plein les oreilles avec les voix provenant des habitations, les cris d’enfants qui jouent, les disputes, les « balak » (dégagez) des transporteurs de marchandises à dos de mulets ou autres, ambiance garantie…

L’agencement des ruelles met au défi le sens d’orientation des étrangers. On s’y perd et c’est un réel plaisir d’essayer de retrouver son chemin tout en découvrant les merveilles de la médina. Au pire, les enfants vous ramènent à la place centrale ou à la sortie moyennant quelques dirhams. Ces rues commerçantes de la médina vous offrent l’embarras du choix en termes de produits. Objets artisanaux, maroquinerie, habits traditionnels, accessoires en tout genre, produits alimentaires, tout y est et tout se négocie. C’est l’un des autres plaisirs des visites à la médina. Le marchandage n’est-il pas un sport national?

Grand programme de réhabilitation des médinas

Depuis 2002, l’État s’active pour réhabiliter et mettre en valeur les anciennes médinas en tant que patrimoine immatériel du Royaume. Plus de 5 milliards de DH ont été déboursés dans le cadre dece programme qui a déjà bénéficié aux médinas de Fès, de Casablanca, de Rabat, de Salé, d’Essaouira, de Meknès, de Tétouan, de Marrakech, d’Azemmour, de Safi, de Taza, de Béni Mellal et de Taroudant. Créer un trait d’union entre le passé, le présent et l’avenir de la Nation, à travers des projets structurels visant à faire des médinas des joyaux architecturaux, urbains et touristiques de premier rang, telle est la politique voulue par le Souverain. Cela passe par la mise à niveau de ces vieilles villes, par l’amélioration dela vie quotidienne de leurs habitants et par la nécessité d’en faire des pôles touristiques et économiques. Ainsi, les programmes de réhabilitation et de valorisation des anciennes médinas visent à tirer profit du potentiel économique de ces espaces urbains vitaux, notamment celui relatif aux secteurs du tourisme et de l’artisanat.

Les monuments historiques comme les médersas, le foundouqs, les ponts, les borjs (citadelles) et les souks sont restaurés et les bâtiments menaçant ruine sont traités. Une attention particulière est accordée aux remparts, portes historiques, mosquées et zaouïas, points névralgiques des médinas. Aussi, les systèmes de signalisation et les réseaux d’éclairage sont remis à neuf en plus de la mise en place de plateformes interactives d’informations touristiques et l’aménagement d’espaces publics et de parkings.

Rien ne vaut un retour aux sources, à ces médinas millénaires sinon plusieurs fois centenaires, là où le Maroc authentique se révèle. Même si le phénomène de rachat des maisons par des étrangers a créé un nouveau type de gentrification, notamment avec les investissements dans des riads (maisons urbaines traditionnelles) transformés en établissements d’hébergement touristique, le cachet des médinas marocaines est toujours le même. Bien public et capital immatériel inestimable, les villes historiques regroupent des aspects patrimoniaux et identitaires. Véritables cavernes d’Ali Baba avec les différentes échoppes et ateliers d’artisanat, dans ces espaces de vie, on a envie que le temps s’arrête. On y mange des petits plats traditionnels, on y sirote un bon breuvage fait maison, on se mêle aux conteurs… Le temps d’une balade, on a droit à un véritable éblouissement des sens.

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