Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

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Où en est l’avancement du Gazoduc Nigeria-Maroc ?Gazoduc © DR

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Symbole d’une intégration énergétique africaine en marche, le gazoduc Nigeria-Maroc avance à grands pas. Il entre désormais dans une phase préparatoire avant le lancement des travaux. On fait le point.

Deux jours de travaux ont permis à Amina Benkhadra, directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), et aux représentants de 13 pays africains, de finaliser les derniers aspects techniques et institutionnels du projet de gazoduc Nigeria-Maroc.

Lancé en 2016 sur initiative conjointe du roi Mohammed VI et du Nigeria, ce mégaprojet vise à relier les réserves de gaz naturel du Nigeria à l’Europe, en traversant l’ensemble de la côte ouest-africaine. Ce gazoduc de plus de 5.600 kilomètres sera raccordé au réseau Gazoduc Maghreb-Europe (GME), permettant ainsi l’exportation vers le marché européen. Mais l’ambition va bien au-delà : ce projet stratégique contribuera à l’approvisionnement énergétique de nombreux pays africains, tout en favorisant l’électrification, la création d’emplois locaux et l’essor d’une économie régionale plus intégrée. Il répond à une double nécessité : assurer la sécurité énergétique et promouvoir un développement économique durable au sein de l’Afrique de l’Ouest.

Lire aussi : Gazoduc Nigeria-Maroc : réunions de haut niveau à Rabat pour faire le point sur le projet 

13 pays engagés dans une coopération sans précédent

Le gazoduc traversera 13 pays, tous désormais officiellement engagés dans le projet : le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc. Tous ont confirmé leur accord formel ainsi que leur volonté de faire avancer ensemble cette initiative régionale. Les sociétés nationales de gaz sont, elles aussi, pleinement mobilisées, à l’image de la togolaise SOTOGAZ, dernier acteur intégré au projet.

Ces engagements ont été consolidés dans le cadre d’un Accord intergouvernemental (IGA), adopté fin 2024. Ce texte fixe les responsabilités, droits et obligations de chaque pays concerné. Sa signature officielle est attendue à l’automne 2025 sous l’égide de la CEDEAO, et elle marquera un jalon crucial dans la concrétisation du projet. Cette officialisation marquera une nouvelle preuve de reconnaissance et de confiance envers ce projet de 25 milliards de dollars, considéré comme le plus fiable et unique en son genre en Afrique.

Le gazoduc n’approvisionnera pas uniquement les États côtiers : des pays enclavés comme le Niger, le Mali ou le Burkina Faso bénéficieront aussi de raccordements secondaires, leur garantissant un accès durable à l’énergie.

Le soutien régional s’explique également par la nature inclusive du projet. Chaque pays traversé ne sera pas seulement un point de passage, mais un acteur impliqué dans la gestion, l’exploitation et les retombées économiques de cette infrastructure. Objectif : transformer le gazoduc en moteur de coopération régionale, dans une logique de co-développement énergétique.

Lire aussi : Benali annonce 815 M€ pour le gazoduc Maghreb-Europe

Une nouvelle phase se prépare à Rabat… et un projet national en parallèle

Les réunions tenues à Rabat les 10 et 11 juillet derniers ont rassemblé les comités technique et de pilotage, en présence des directeurs généraux des compagnies pétrolières nationales, ainsi que des représentants de la CEDEAO, du ministère de la Transition énergétique, de l’ONEE et de MASEN. Ces travaux ont permis d’évaluer les progrès réalisés, aussi bien sur les aspects techniques qu’environnementaux et institutionnels.

Le projet a d’ores et déjà franchi plusieurs étapes clés, notamment la phase d’étude de faisabilité, les premières évaluations d’impact environnemental, ainsi que les consultations entre États. La réunion de Rabat ouvre désormais la voie à une deuxième phase : la finalisation des études d’ingénierie détaillées, le lancement des appels d’offres pour la construction et la mise en place d’un cadre de gouvernance opérationnel.

Par ailleurs, Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, a annoncé dans une interview à la chaîne arabe Asharq Business le lancement fin juillet 2025 d’un projet national d’une valeur de 6 milliards de dollars visant à relier le port de Nador à la ville de Dakhla. Cette première étape, qui s’inscrit dans la dynamique plus large du gazoduc Nigeria-Maroc, prévoit également une extension vers la Mauritanie et le Sénégal.

La ministre a rappelé que le Maroc poursuit activement les travaux avec le Nigeria sur ce méga-projet dont le coût total dépassera les 20 milliards de dollars. Ce gazoduc devrait contribuer au développement des infrastructures gazières nationales marocaines, en facilitant notamment l’intégration avec le réseau africain et européen. Plusieurs sociétés d’investissement non souveraines et fonds d’infrastructures ont manifesté un intérêt marqué pour ce projet, attirés par une rentabilité stable dépassant les 10%, sans que leurs identités ne soient pour l’instant révélées.

La question du financement, longtemps perçue comme un frein potentiel, semble aujourd’hui en passe d’être levée. Plusieurs partenaires institutionnels, dont des banques africaines, arabes et européennes, ont exprimé un intérêt concret pour soutenir cette infrastructure stratégique. Ce consensus politique, technique et financier renforce la crédibilité du projet auprès des bailleurs de fonds et conforte sa place comme priorité énergétique pour l’Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui, le gazoduc Nigeria-Maroc est perçu comme le seul chantier énergétique régional ayant atteint un tel niveau de maturité et de soutien. Sa validation officielle est attendue lors d’un prochain sommet de la CEDEAO. Si le défi reste considérable, la dynamique enclenchée à Rabat et l’initiative marocaine nationale montrent que le continent africain avance résolument vers un avenir énergétique commun, fondé sur la coopération, la solidarité et l’ambition partagée.

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