Maroc-UE : suspension des accords commerciaux, et après ?

Avatar de Sabrina El Faiz
Temps de lecture :

Accords Maroc-UE: le Conseil des 27 désavoue la décision de la justiceAccord pêche Maroc-UE © DR

A
A
A
A
A

La Cour de justice européenne a décidé de suspendre les accords commerciaux, de pêche et d’agriculture, avec le Maroc. Avalanche ou action préméditée ? Cette suspension aura-t-elle un impact sur les relations Maroc-UE ? Driss Aissaoui, politologue, nous éclaire sur le sujet.

Pour les accords commerciaux de 2019 entre l’Union européenne et le Maroc, s’en est fini ! C’est ce qu’a annoncé la Cour de justice européenne, ce matin, vendredi 4 octobre, via un communiqué.

Cela concerne la pêche et les produits agricoles. La Cour européenne a donc annulé des décisions du Conseil de l’UE approuvant ces accords. Bien que l’accord de pêche ait expiré en juillet 2023, l’accord sur les produits agricoles a été maintenu pour une période transitoire de 12 mois.
Une décision qui, disons-le franchement, fait tache dans l’évolution du dossier Sahara. 19 pays européens sur 27 soutiennent le plan marocain et entendre dire que l’étiquetage des melons et des tomates récoltés au Sahara devront mentionner le nom des provinces du sud, comme pays d’origine, plutôt que le Maroc, alors qu’elles ne sont pas un pays…! Impossible pour le Maroc qui a toujours considéré ses échanges, négociations, stratégies internationales sous le prisme du Sahara.

Lire aussi : Sahara : les dés sont jetés

Une demande d’interdiction d’importation de ces produits a été faite par la Confédération paysanne en France, qui souhaite un étiquetage « précis ». Toutefois, il est bon de rappeler que les motivations de ces confédérations agricoles ne sont pas toujours précises, elles. Rappelons que les tomates, avocats, melons, oranges… marocains ont su séduire des millions de consommateurs à travers le monde. Ce qui n’est pas, forcément, pour plaire aux agriculteurs français et espagnols qui ont vu leurs parts de marché diminuer à vue d’œil, suite à l’import de fruits et légumes marocains.

Lire aussi : Agriculteurs français : verts de jalousie, ou rouges de fureur ?

Dans ce brouhaha général, Driss Aissaoui, politologue, nous apporte un éclairage.

LeBrief : Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? On sait qu’elle fait suite à une rencontre avec le Polisario, mais pourquoi cette direction a-t-elle été choisie ?

Driss Aissaoui : Toutes les institutions liées à la communauté européenne fonctionnent selon des procédures bien établies. Par exemple, lors de la rédaction d’un contrat, certaines conditions doivent être respectées. Quand on effectue un acte d’achat ou de vente, il est impératif de suivre des procédures spécifiques. Les membres du Polisario, qui luttent depuis près de 50 ans pour faire reconnaître ‘’leurs droits’’, sont très au fait de ces règles. Nous savons que le Royaume du Maroc contrôle environ 80% de ce territoire, tandis que le reste, constitué de la zone tampon, est sous la surveillance de la MINURSO.

LeBrief : La décision de cessation de ces accords commerciaux de la Cour européenne de justice ne pourrait être qu’une conséquence de cette réalité. Pourquoi maintenant ?

Driss Aissaoui : Parce que c’est le seul moyen pour la Cour de se positionner en accord avec le droit et la légalité, ce qui est fondamental. Il est important de préciser que la Cour européenne de justice n’a pas dérogé à ses propres règles de fonctionnement, à savoir qu’il est nécessaire d’établir des correspondances. Que disent-ils ? Ils affirment qu’il existe un contrat signé avec le Maroc qui a expiré en 2023, mais ce contrat devait être validé par la population sahraouie. Le Maroc a pris toutes les dispositions nécessaires pour consulter cette population, et cela a été fait. Toutefois, un groupe de représentants du Polisario, soutenu par l’Algérie, estime avoir la légitimité de parler au nom du peuple sahraoui, ce qui est un autre sujet. Je trouve que la situation est assez singulière. Ce qui est frappant, c’est que les membres du Polisario connaissent les procédures et souhaitent les faire appliquer. Ce n’est pas la première fois qu’ils agissent de la sorte dans le cadre d’autres contrats. Ce qui est certain au Maroc, c’est qu’il existe une union et une unanimité autour de la notion que le Maroc est le Maroc. Le Sahara est sous souveraineté marocaine, et cela est bien établi. Aujourd’hui, la France reconnaît la marocanité du Sahara, tout comme le Royaume-Uni, et de nombreux pays en font de même. Est-ce que, avec ce statut, nous pourrions dire que le Maroc est véritablement dans son droit ? Je pense sincèrement que le Maroc est dans son droit. On ne peut pas lui reprocher de signer des contrats au nom du Sahara, puisque ce territoire appartient au Royaume du Maroc, et c’est une réalité normale et naturelle.

LeBrief : Et selon vous, quel impact auront la cessation de ces accords commerciaux sur les relations avec l’UE à l’avenir ?

Driss Aissaoui : L’attitude de la Cour européenne de justice n’affectera pas directement le fonctionnement de ces accords, mais plutôt celui du Royaume du Maroc. Il est essentiel de le comprendre. Cela entraînera une réaction officielle du Maroc, que ce soit par le biais du gouvernement, du ministère des Affaires étrangères, ou encore par l’intermédiaire des groupes de pression, c’est-à-dire des opérateurs économiques et des habitants sahraouis des provinces concernées. Toutes ces parties agiront en faveur d’une réhabilitation du droit du Maroc sur son territoire.

LeBrief : En termes économiques, y aura-t-il un impact lié à la fin de ces accords ?

Driss Aissaoui : Si nous revenons sur l’historique des relations entre le Maroc et l’UE, nous constatons que de nombreuses décisions ont été prises sans interdire au Royaume du Maroc d’être en phase avec ses obligations et ses besoins. Cela n’a jamais empêché le Maroc d’exercer ses droits et sa liberté de mouvement sur son territoire, en particulier dans les provinces sahariennes. Personne ne peut remettre cela en question. Bien entendu, il existe des personnes du Polisario, soutenues par l’Algérie, qui tentent de perturber le processus depuis 50 ans, mais s’ils réussissent à introduire une action en justice, ils le font. Dès qu’ils réussissent, ils estiment avoir bloqué le processus.

LeBrief : Il n’y a pas de processus bloqué concrètement ?

Driss Aissaoui : Pour l’instant, non. Je ne peux pas comprendre comment ce processus pourrait être bloqué par la décision de la Cour européenne de justice.

LeBrief : Concernant les produits marocains provenant de Dakhla qui pourraient être étiquetées avec une autre appellation en Europe, cela pourrait-il avoir un impact ?

Driss Aissaoui : Le Maroc ne l’acceptera pas, les provinces sahariennes constituent un prolongement de notre territoire !

Dernier articles
Les articles les plus lu
Dakhla : interdiction de récolte et de vente de coquillages dans plusieurs zones

Économie - À Dakhla, la pêche et la vente de palourdes, moules et huîtres issues de certaines zones sont temporairement interdites.

Ilyasse Rhamir - 27 août 2025
Hausse des voitures de tourisme dédouanées au Maroc

Économie - En 2024, 151.755 voitures de tourisme ont été dédouanées au Maroc, en hausse de 6% par rapport l’année passée, selon l’ADII.

Mbaye Gueye - 27 août 2025
Conseil de la concurrence : 174 décisions rendues en 2024, dont 155 autorisations de concentration

En 2024, le Conseil de la concurrence a rendu 174 décisions, dont 155 autorisations de concentration, démontrant une activité intense.

Mouna Aghlal - 26 août 2025
ADII 2024 : la douane au cœur de la souveraineté financière du Maroc

Économie - Entre recettes record, digitalisation et lutte renforcée contre les trafics, la douane marocaine a fait de 2024 une année charnière pour la compétitivité et la souveraineté du Royaume.

Mbaye Gueye - 26 août 2025
CMGP Group améliore son chiffre d’affaires au S1-2025

Économie - CMGP Group a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 1,12 MMDH au premier semestre 2025, en hausse de 0,3%.

Mbaye Gueye - 26 août 2025
Marrakech : progression de 6% des nuitées touristiques à fin juin

Économie - Marrakech confirme son statut de première destination touristique au Maroc avec plus de 5 millions de nuitées enregistrées à fin juin 2025, en progression de 6% par rapport à l’an dernier.

Ilyasse Rhamir - 26 août 2025
Voir plus
Visa Schengen : le cauchemar européen à prix d’or

Dossier - Entre les délais interminables, les coûts exorbitants et les parcours semés d’embûches, obtenir un visa Schengen c’est devenu…

Sabrina El Faiz - 26 juillet 2025
Coût, impact… tout savoir sur la nouvelle LGV Kénitra-Marrakech

Économie - Le Maroc lance l’extension de sa LGV vers Marrakech, un projet structurant qui transformera durablement la mobilité, l’économie et la connectivité entre les grandes villes.

Hajar Toufik - 25 avril 2025
Où en est l’avancement du gazoduc Nigeria-Maroc ?

Économie - Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc progresse : 13 pays engagés, signature intergouvernementale à venir et lancement d’un premier tronçon entre Nador et Dakhla.

Hajar Toufik - 14 juillet 2025
BTP : le Maroc bétonne ses règles

Dossier - Pas d’attestation, pas de chantier. C’est simple, non ? Pas de couverture décennale, pas de livraison. N'y réfléchissons pas trop !

Sabrina El Faiz - 19 juillet 2025
Ces Marocains qui s’endettent pour les vacances

L’endettement pour les vacances est devenu, chez beaucoup, une évidence presque banale. On ne s’en vante pas forcément, mais on ne s’en cache plus.

Sabrina El Faiz - 2 août 2025
Télécoms : en route vers un duopole ?

Dossier - Un accord entre Télécoms c’est toujours bon à prendre, mais qu’est-ce que cela engendre pour le consommateur final ?

Sabrina El Faiz - 28 juin 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire