Figue de barbarie : pourquoi ce fruit est-il devenu si cher ?
Figues de Barbarie © DR
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Durant plusieurs années, le fruit a disparu des marchés, entraînant un vide économique et social considérable. Privés de leur principale source de revenus, les agriculteurs ont vu leurs conditions de vie se détériorer, tandis que les consommateurs faisaient face à une envolée des prix des rares récoltes disponibles. Aujourd’hui, grâce aux efforts conjoints des chercheurs, des autorités publiques et des producteurs, une lueur d’espoir apparaît : la mise au point et l’introduction de variétés résistantes à la cochenille ouvrent la voie à une renaissance progressive de la filière. Ce retour demeure toutefois fragile et s’accompagne de nouveaux défis liés à l’offre, à la demande et aux mutations de l’agriculture moderne.
La cochenille, un fléau dévastateur pour la filière
L’histoire récente de la figue de barbarie au Maroc est marquée par une crise sans précédent. Dès 2014, la cochenille du cactus a commencé à se propager dans la région de Doukkala. Cet insecte microscopique, qui colonise les raquettes et les fruits du cactus, se nourrit de leur sève jusqu’à provoquer la déshydratation puis, inévitablement, la mort de la plante. Très vite, les agriculteurs ont été confrontés à un dilemme dramatique : laisser périr leurs plantations ou brûler leurs champs pour tenter d’enrayer la propagation du parasite.
Les conséquences ont été considérables. Selon les données officielles, plus de 15.000 hectares ont été détruits, sur un total estimé à 150.000 hectares en 2017. Cette perte équivaut à près de 10% des surfaces cultivées. Au-delà de l’impact écologique, c’est tout un équilibre socio-économique qui s’est effondré. Autrefois, la figue de barbarie, avec une production nationale avoisinant les deux millions de tonnes par an, représentait une véritable manne financière pour des milliers de familles rurales. Dans certaines provinces, les pertes ont atteint 100%, plongeant les agriculteurs dans une précarité extrême.
Le marché, de son côté, a réagi à cette rareté soudaine. Alors qu’auparavant la figue se vendait à quelques centimes l’unité, son prix a grimpé jusqu’à cinq dirhams pièce dans certaines régions. Un paradoxe cruel : tandis que les producteurs voyaient leurs champs dévastés, les consommateurs étaient contraints de payer cher un fruit devenu rare.
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Face à cette catastrophe, l’État marocain, à travers l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), a lancé un vaste programme de lutte. Celui-ci reposait sur plusieurs axes, notamment le développement de variétés résistantes, avec l’inscription de huit nouvelles souches au catalogue officiel. Des mesures phytosanitaires ont également été mises en place, telles que l’arrachage des plants contaminés, l’application de traitements ciblés et le recours à des pesticides homologués.
Sans oublier la lutte biologique, grâce à l’introduction de prédateurs naturels tels que la coccinelle, ainsi que les actions de sensibilisation et de formation des agriculteurs, accompagnées de la distribution d’équipements et d’un encadrement technique.
Ces initiatives ont permis d’amorcer un processus de réhabilitation. En 2022, près de 7.800 hectares ont déjà été replantés avec des variétés résistantes. L’objectif fixé était d’atteindre 15.000 hectares en 2023, 20.000 en 2024, puis 23.000 hectares supplémentaires chaque année à partir de 2025. Un programme ambitieux, mais indispensable pour relancer une filière menacée de disparition.
Une relance progressive grâce aux variétés résistantes
Si la situation a été dramatique, elle n’est pas irréversible. Comme l’explique Abdelmoumen Guennouni, ingénieur agronome, les efforts de recherche ont abouti à la mise au point de variétés résistantes à la cochenille farineuse. Progressivement introduits dans les zones sinistrées, ces plants redonnent espoir et relancent la culture du cactus.
Cependant, cette relance demeure fragile. « Il faut rappeler que les figues de barbarie commencent seulement à réapparaître sur le marché, après avoir totalement disparu à cause de l’attaque du parasite », souligne Guennouni. En d’autres termes, l’offre reste limitée, ce qui explique des prix encore élevés. La loi de l’offre et de la demande joue pleinement : moins de fruits disponibles signifie une valeur marchande plus élevée.
D’un point de vue agronomique, il ne s’agit pas d’une transformation artificielle de la culture. L’ingénieur souligne à ce propos que « les nouvelles variétés introduites ne sont pas artificielles. La recherche agronomique a toujours existé. Depuis des siècles, l’homme sélectionne les meilleures plantes afin d’obtenir une production accrue ». La résistance à la cochenille n’est donc pas le fruit d’une manipulation génétique artificielle, mais bien d’un processus classique de sélection variétale.
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À cet égard, l’expert rappelle que l’agriculture est en perpétuelle évolution. Face aux crises, les chercheurs explorent constamment de nouvelles solutions en développant des variétés adaptées aux menaces actuelles. Dans le cas de la figue de barbarie, cela signifie que, d’année en année, les surfaces replantées augmenteront, permettant ainsi d’accroître progressivement la production et, par conséquent, de stabiliser les prix.
Pour les consommateurs, cette explication offre une perspective rassurante : la rareté et la cherté actuelles des figues de barbarie sont seulement transitoires. Avec l’extension des plantations résistantes, le fruit retrouvera sa place sur les marchés marocains, à des prix plus accessibles.
La filière de la figue de barbarie au Maroc illustre à la fois la vulnérabilité et la résilience du secteur agricole face aux crises biologiques. L’apparition de la cochenille du cactus a bouleversé un équilibre économique et social, privant des milliers de familles de revenus et perturbant l’approvisionnement du marché. Mais grâce à la recherche agronomique et à la mobilisation des autorités, un nouvel espoir renaît. Le défi réside désormais dans la capacité à accélérer la réhabilitation, à accompagner les agriculteurs et à garantir la durabilité de cette renaissance. Car au-delà d’un simple fruit, il s’agit d’un patrimoine agricole, culturel et économique qu’il convient de préserver pour les générations futures.
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