Emancipation, lutte, symbole… Le saviez-vous ? La célébration du 8 mars ne date pas d’hier. La date trouve son origine dans un échiquier d’événements historiques, de revendications ouvrières et de combats féministes qui ont traversé tout le XXe siècle. Mais avant d’être un jour institutionnalisé, reconnu et célébré aux quatre coins du monde, cette date représente avant tout le cri de ralliement de millions de femmes à travers les âges.

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L’histoire du 8 mars commence dans le fracas des revendications ouvrières du début du XXe siècle. L’une des premières dates associées à cette journée remonterait à 1848 lors de la Convention de Seneca Falls, à New York, Elizabeth Cady Stanton et Lucretia Mott posent les fondations du combat pour l’égalité des sexes. Elles revendiquent avec force les droits civiques, sociaux et politiques des femmes, proclamant : « Nous tenons comme vérités allant de soi que tous les hommes et les femmes sont créés égaux ». Cette déclaration, inspirée de la Déclaration d’indépendance, pose les premiers jalons dans la lutte pour les droits des femmes.

En 1851, Sojourner Truth, ancienne esclave devenue militante, bouleverse les esprits lors de la Convention des droits des femmes d’Akron, en Ohio. Dans son célèbre discours « Ain’t I a Woman? » (Ne suis-je pas une femme ?), elle dénonce avec éloquence la double oppression des femmes noires, à la fois victimes du sexisme et du racisme.

1893, la Nouvelle-Zélande devient le premier pays à accorder le droit de vote aux femmes. Cette avancée incroyable déclenche un élan mondial en faveur du suffrage féminin, inspirant d’autres nations à suivre cet exemple et à repenser leur conception de la démocratie.

La grève du pain et des roses

En 1908, des milliers de travailleuses du textile manifestèrent dans les rues de New York pour dénoncer leurs conditions de travail inhumaines et réclamer des droits fondamentaux : des salaires décents, une réduction du temps de travail et la fin de l’exploitation infantile. Cette marche courageuse marqua les esprits et s’inscrivit comme l’une des premières mobilisations féminines de masse, prenant le nom de grève du pain et des roses.

Quelques années plus tard, en 1910, la Conférence internationale des femmes socialistes, réunie à Copenhague sous l’impulsion de Clara Zetkin, adoptait l’idée d’une journée internationale dédiée aux femmes. Son objectif : instaurer un moment annuel de revendications pour le droit de vote, l’accès à l’éducation, de meilleures conditions de travail et l’émancipation sociale.

A l’origine du 8 mars… grève du pain et des roses

Affiche du 8 mars 1917 à Petrograd © DR

Mais ce n’est que le 8 mars 1917 que la date prend une dimension historique irrévocable. Ce jour-là, à Petrograd (Saint-Pétersbourg), les ouvrières russes se soulèvent contre la faim et la guerre, initiant un mouvement qui mènera à la chute du tsarisme et à la Révolution d’octobre. La symbolique du 8 mars venait de s’ancrer dans l’Histoire révolutionnaire mondiale.

La lutte mondiale

A l’origine du 8 mars… Ain’t I a woman ?  

Lutte des Nigérianes en 1929 © DR

En 1929, les femmes igbos du Nigeria se soulèvent contre le régime colonial, refusant de se soumettre aux taxes de marché imposées de manière injuste. Par milliers, elles envahissent les rues, chantant, dansant, tapant contre les murs et allant jusqu’à arracher les toitures pour faire entendre leur colère. Ce soulèvement, connu sous le nom de guerre des femmes de 1929, ou Ogu Umunwanyi, force les autorités coloniales à abandonner ces taxes oppressives.

Une quinzaine d’années plus tard, en 1945, en Irlande, ce sont les blanchisseuses qui prennent le relais du combat social. Fatiguées des conditions de travail insalubres, des salaires misérables et des congés insuffisants, près de 1.500 d’entre elles entament une grève sans précédent. L’arrêt de leur activité paralyse les blanchisseries commerciales et aboutit à un résultat incroyable pour l’époque : l’obtention d’une seconde semaine de congés annuels obligatoires pour l’ensemble des travailleurs irlandais.

Au même moment, l’après-guerre voit naître une nouvelle ère de revendications internationales. Lors de la fondation des Nations Unies en 1945, des femmes déléguées insistent pour que l’égalité des sexes soit inscrite dans la Charte de l’organisation. Cet engagement se concrétise dès l’année suivante avec la création de la Commission de la condition de la femme, le tout premier organe intergouvernemental dédié à la promotion des droits des femmes.

Affiche We Can Do It! droits des femmes

L’affiche de propagande américaine durant la Seconde Guerre mondiale « We Can Do It! » © J. Howard Miller, 1943.

Deux ans plus tard, en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme est adoptée, affirmant que les libertés fondamentales s’appliquent à tous, sans distinction de sexe. Ce texte devient une référence incontournable pour les militantes du monde entier, leur fournissant un socle juridique pour exiger la fin des discriminations.

Dans les années 1960, la lutte pour les droits des femmes prend une tournure tragique en République dominicaine. Minerva, María Teresa et Patria Mirabal, surnommées « las mariposas » (les papillons), mènent un combat clandestin contre la dictature de Rafael Trujillo. Leur assassinat en 1960 provoque une onde de choc et accélère la chute du régime, faisant de ces sœurs des symboles immortels de la résistance féminine.

En 1970, les mouvements féministes du monde entier se réunissent à Mexico lors de la première Conférence mondiale sur les femmes. Cet événement marque un tournant, donnant naissance à un élan international en faveur des droits des femmes et annonçant la proclamation de la première Année internationale de la femme ainsi que la Décennie des Nations Unies pour la femme. Ainsi, tout au long du XXe siècle, les luttes féminines n’ont cessé de s’amplifier, redéfinissant peu à peu les contours d’un monde plus juste et égalitaire.

Le 8 mars au Maroc : des balbutiements à la revendication

Avec l’essor des mouvements féministes dans les années 1960 et 1970, la journée du 8 mars devient un moment incontournable des luttes pour l’égalité. En 1977, l’Organisation des Nations Unies (ONU) officialise la Journée internationale des droits des femmes, incitant les gouvernements du monde entier à lui accorder une reconnaissance officielle. Dès lors, cette journée ne se contente plus d’être un moment de commémoration, elle devient un espace de débats, de revendications et de bilans sur l’état des droits des femmes à l’échelle planétaire.

Les luttes pour l’égalité salariale, la reconnaissance des violences conjugales et sexuelles, l’accès aux postes de pouvoir ou encore le droit à disposer de son propre corps, tous ces combats trouvent une résonance particulière lors de cette journée qui, bien loin de se réduire à des bouquets de fleurs ou des slogans convenus, reste un rappel annuel du chemin à parcourir.

A l’origine du 8 mars… Ain’t I a woman ?  

Manifestation à Rabat le 8 mars 2023 © Abu Adem Mohamed – Anadolu- AFP

Au Maroc, la reconnaissance du 8 mars s’est faite progressivement, reflétant l’évolution des luttes féminines dans le pays. Dès les années 1950 et 1960, les premières militantes féministes, souvent issues des élites progressistes ou des mouvements de gauche, commencent à revendiquer des droits pour les femmes, notamment en matière d’éducation et de participation à la vie publique. Toutefois, dans une société encore largement structurée par des normes patriarcales, ces revendications peinent à se transformer en changements concrets.

Il faut attendre les années 1980 et 1990 pour voir émerger un véritable mouvement féministe marocain, porté par des associations comme l’Union de l’Action Féminine (UAF) ou l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). Ces organisations commencent à inscrire le 8 mars dans l’agenda militant, l’utilisant comme une tribune pour dénoncer les inégalités juridiques et sociales qui entravent encore la vie des femmes marocaines.

Le principal tournant dans cette lutte intervient au début des années 2000, avec la réforme du Code de la famille en 2004, qui introduit des avancées incroyables en matière de droits des femmes marocaines, notamment en ce qui concerne le mariage, la garde des enfants et le divorce. Depuis, la célébration du 8 mars au Maroc oscille entre hommage aux progrès réalisés et rappel des combats restants, notamment en matière de violences faites aux femmes, de participation politique et d’autonomisation économique.

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