Maroc, novembre 2025, c’est dit, la 5G sera lancée. Au réveil, certains la trouvent sur leur téléphone, d’autres pas. Avis mitigés et déceptions sont aussi au rendez-vous. Trop de consommation, plus chère ? Pas adaptée ? Pas partout. Que cache la 5G au Maroc ? Voici les 7 choses à savoir sur cette fameuse connexion.

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Imaginez un instant, vous êtes dans le cœur battant de Casablanca, la ville qui ne dort jamais, on l’aura assez dit. Les rues grouillent de vie, les cafés sont bondés et les écrans géants affichent un coup de tonnerre. La 5G débarque. Les trois opérateurs nationaux, Maroc Telecom, Orange et Inwi, ont activé leur 5G simultanément. Une synchronisation parfaite… qui inquiète. Quelle course cela aura été pour la domination du marché, une course effrénée à l’innovation et évidemment des enjeux économiques qu’on ne saurait résumer en une phrase.

Cette 5G, décrite comme une révolution, promet de transformer l’économie marocaine, de stimuler l’innovation et de connecter chaque recoin du pays. Bien, bien… et la cybersécurité, la santé publique, la fracture numérique, la gouvernance, la transparence… on en parle ? Il va falloir surmonter tout ça et rapidement.

1. Comment le Maroc a-t-il préparé le terrain pour la 5G ?

Il y a les calendriers de ministres et celui de la 5G qui a rassemblé tous les chantiers marocains. Le déploiement de la 5G au Maroc n’a pas été de tout repos. Il a fallu des années de préparation, de coordination et d’investissements massifs pour en arriver là. Faisons la courte pour donner un simple aperçu.

Attribution des fréquences :

L’ANRT (Agence nationale de réglementation des télécommunications) a joué un rôle important dans l’attribution des fréquences 5G. Près de 80 milliards de dirhams prévus sur l’horizon 2035 pour la 5G (licences, déploiement, exploitation).

Les fréquences attribuées incluent les bandes basses (700 MHz) pour une meilleure couverture en zones rurales et les bandes moyennes (3.4-3.8 GHz) pour une capacité plus importante en zones urbaines. Dr Abdelouahed Jraifi, ingénieur développement réseaux, explique à Le Brief que « le choix des bandes de fréquences basses assure la couverture des zones rurales et des axes routiers, tandis que les bandes moyennes visent la haute capacité dans les milieux urbains ».

Tests et mise en service commerciale :

Les opérateurs ont mené des tests intensifs pour s’assurer que les réseaux étaient prêts à supporter la charge de la 5G. Ces tests ont permis de valider la fiabilité et la performance des infrastructures avant le lancement officiel.

Mise en service commerciale :

Les trois opérateurs ont activé leurs offres 5G simultanément, avec un déploiement prioritaire dans les principales villes et agglomérations. Ce lancement simultané a été coordonné pour éviter toute perturbation du marché et garantir une couverture optimale dès le départ, selon les mots utilisés par les officiels !
L’ANRT a piloté l’attribution des fréquences et a publié un communiqué indiquant des engagements d’investissement très importants. « L’ANRT a supervisé ces ajustements techniques et réglementaires. Le Maroc a ainsi aligné son plan de fréquences sur les standards internationaux tout en préservant la compatibilité avec les autres services stratégiques », nous explique Dr Jraifi.

Les opérateurs mettent en avant des débits largement supérieurs à la 4G et des cas d’usage avancés (télémédecine, industries, smart cities, logistique, agriculture de précision). Les investissements prévus incluent les infrastructures réseau et des programmes de formation pour les techniciens et les ingénieurs, ainsi que des partenariats avec des entreprises locales pour développer des applications et des services basés sur la 5G.

La disponibilité du spectre au Maroc est globalement suffisante pour un déploiement équilibré. Cependant, il reste à planifier rigoureusement pour optimiser l’utilisation d’un spectre radioélectrique rare et stratégique.

Par ailleurs, certaines bandes étaient historiquement utilisées par d’autres acteurs (télévision, aviation civile…). Leur réattribution à la 5G a nécessité une coordination entre les acteurs concernés, afin d’éviter tout brouillage. Par exemple, la bande des 700 MHz était précédemment utilisée pour la télévision numérique terrestre. Sa réattribution à la 5G a nécessité des négociations avec les diffuseurs pour libérer cette bande de fréquences, ainsi que des ajustements techniques pour éviter les interférences.

2. Qui construit la 5G au Maroc ?

C’est la question que l’on se pose. Qui détient ce marché ? Les principaux fournisseurs d’équipements réseau pour le déploiement de la 5G au Maroc incluent des géants comme Huawei, Ericsson et Nokia. Dr Jraifi nous explique l’importance de la mutualisation des infrastructures puisqu’elle permettrait, selon son analyse, aux opérateurs de réduire leurs OPEX/CAPEX, tout en accélérant la couverture 5G.

Huawei, en particulier, a remporté plusieurs contrats pour le déploiement des infrastructures 5G, grâce à sa technologie avancée et ses prix compétitifs. Cependant, des questions de sécurité et de souveraineté numérique ont été soulevées. Le Maroc a besoin de garanties strictes de sécurité et de conformité.
Dans une première phase, la 5G s’appuie partiellement sur les infrastructures 4G existantes, notamment grâce au concept de Non-Standalone (NSA). Cependant, la nature même de la 5G impose une densification du réseau, surtout en zones urbaines. Cette densification implique la modernisation des sites existants, le renforcement des backhauls par fibre optique. Par exemple, à Casablanca, des milliers de petites cellules ont été installées pour garantir une couverture optimale dans les zones à forte densité de population.

3. Qui va payer la note ?

Salée ou pas, il est trop tôt pour se prononcer là-dessus, mais il est toujours bon de se questionner lorsqu’il s’agit d’argent. L’investissement en 5G est colossal, concernant d’abord l’acquisition des licences 5G et l’aménagement du spectre. À cela s’ajoutent les dépenses pour la modernisation du réseau d’accès radio (antennes, équipements actifs), l’extension du réseau de transport optique et la maintenance continue.

Les opérateurs semblent adopter une stratégie tarifaire variée, avec des offres de migration automatique, des surcoûts pour les services premium et de nouvelles offres ciblant les entreprises et les particuliers. Dès les premiers jours d’utilisation, bon nombre de clients ont constaté une surconsommation de leur connexion. Ce qui, indirectement, les mènera à recharger ou à prendre un abonnement illimité plus cher.

D’ailleurs, puisque nous en parlons, le lancement simultané par les trois opérateurs est-il un signe de concurrence saine ou d’un équilibre oligopolistique ? « Le retour sur investissement pour les opérateurs s’inscrit dans un horizon de moyen terme, puisque l’adoption des usages 5G par les entreprises et le grand public sera progressive », déclare Dr Jraifi.

4. Les secteurs prioritaires pour la 5G

Sondage

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Résultats du sondage lancé par LeBrief du 10 au 14 novembre 2025 © LeBrief

Chaque semaine LeBrief organise un sondage sur sa newsletter. Cette semaine, la question était :

Depuis le lancement de la G, constatez-vous une vraie différence avec la 4G ?

  • Oui
  • Non
  • Je n’ai pas d’équipement adapté à la 5G

Selon les résultats de ce sondage, une majorité de participants affirme ne pas encore disposer d’un équipement compatible 5G, tandis que la seconde partie constate une réelle amélioration par rapport à la 4G. La troisième catégorie de votants ne voient pas de différence notable.

La 5G doit d’abord servir les secteurs à fort levier économique, l’industrie 4.0, les ports intelligents, la santé connectée, l’enseignement à distance et l’agriculture intelligente. Des projets pilotes sont déjà en cours dans plusieurs secteurs.

Mais comment la 5G peut-elle accélérer la transformation digitale des PME marocaines, par exemple ? Dr Jraifi souligne que « la 5G peut fortement stimuler l’économie numérique marocaine, à condition que les acteurs publics et privés travaillent ensemble pour créer un véritable écosystème de services et d’usages autour de cette technologie ».

5. Qui veille au grain ?

L’ANRT a mis en place plusieurs garde-fous réglementaires pour garantir que les opérateurs respectent leurs engagements. Ces mesures incluent des obligations strictes en matière de couverture minimale, de qualité de service et de suivi des investissements. D’après le Rapport d’instruction de l’ANRT pour l’attribution des licences 5G (juillet 2025), les obligations de couverture imposées aux opérateurs marocains sont de minimum 25% de la population marocaine d’ici fin 2026 et de 70% de la population marocaine d’ici fin 2030. Le document précise également que les opérateurs doivent couvrir 8 villes et leurs aéroports dès novembre 2025.

L’ANRT impose des normes strictes pour la qualité de service, incluant des débits minimaux (100 Mbps en zone urbaine et 50 Mbps en zone rurale) et une latence maximale de 20 ms. Les opérateurs doivent soumettre des rapports trimestriels détaillant leurs investissements en infrastructures 5G. L’ANRT publie ensuite des synthèses annuelles pour informer le public de l’avancement du déploiement.

6. La 5G pour tous ?

Alors que les grandes villes bénéficient déjà d’une couverture 4G et 5G, les zones rurales restent souvent mal desservies. La fracture numérique est un réel problème au Maroc. Les zones rurales sont souvent mal desservies en termes de couverture réseau et d’accès à internet. La 5G pourrait accentuer cette fracture si des mesures ne sont pas prises pour garantir une couverture équitable.

Les disparités en matière de couverture réseau entre les zones urbaines et rurales sont flagrantes. Par exemple, alors que Casablanca et Rabat bénéficient d’une couverture 5G quasi totale, certaines régions rurales n’ont même pas accès à une connexion 4G stable. Cette fracture numérique a des conséquences graves sur le développement économique et social des zones rurales. Elle limite l’accès à l’éducation, aux services de santé et aux opportunités économiques, creusant ainsi les inégalités.

Pour éviter d’accentuer la fracture numérique, le Maroc a mis en place plusieurs mesures. L’ANRT impose aux opérateurs des obligations de couverture minimale, dont nous parlions plus tôt. Des partenariats public-privé ont été mis en place pour financer des projets d’infrastructures dans les zones rurales. Ces partenariats permettent de mutualiser les coûts et de partager les risques entre les acteurs publics et privés. En plus des mesures gouvernementales, des initiatives locales voient le jour pour améliorer la connectivité dans les zones rurales. Par exemple, des coopératives agricoles utilisent des solutions innovantes pour fournir un accès internet à leurs membres.

7. La 5G, opportunité ou menace ?

La 5G est-elle sûre ?

La question des risques sanitaires liés à la 5G est un sujet de débat intense. Certains scientifiques et organisations de santé publique ont exprimé des préoccupations concernant les effets potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé humaine.

Plusieurs études menées par l’OMS et d’autres organisations internationales ont confirmé que les niveaux d’exposition aux ondes 5G respectent les normes de sécurité. « Les niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques auxquels la population est exposée dans la vie quotidienne sont bien inférieurs aux limites fixées par les normes internationales. Ces normes sont conçues pour protéger contre tous les effets avérés sur la santé ». Le Maroc a adopté des normes encore plus strictes que les recommandations internationales, avec des limites d’exposition fixées à 60% des seuils maximaux autorisés par l’OMS. Ces normes sont régulièrement révisées pour tenir compte des dernières avancées scientifiques.

Évidemment, malgré tout cela, les théories conspirationnistes autour de la 5G ont la vie dure. Certaines personnes croient que la 5G est dangereuse pour la santé, voire qu’elle est utilisée à d’autres fins.

Avec le déploiement massif de la 5G, la surface d’attaque et l’exposition aux cybermenaces vont s’accroître. La virtualisation, la segmentation dynamique du réseau (network slicing) et la multiplication des objets connectés exigent des politiques de sécurité rigoureuses. La 5G introduit de nouvelles vulnérabilités, notamment en raison de la multiplication des points d’entrée dans le réseau. Les cybercriminels peuvent exploiter ces vulnérabilités pour mener des attaques ciblées contre les infrastructures critiques.

Les attaques par déni de service (DDoS), les intrusions dans les réseaux privés et les attaques contre les objets connectés sont autant de menaces qui pèsent sur les réseaux 5G. Ces attaques peuvent avoir des conséquences graves, allant de la perturbation des services à la compromission des données sensibles.
Le Maroc a mis en place des règles spécifiques pour renforcer la sécurité des réseaux 5G. Ces règles incluent des audits réguliers des équipements, des normes strictes pour la protection des infrastructures critiques et des mécanismes de réponse aux incidents de cybersécurité.

La nationalité des fournisseurs d’équipements peut être à la fois stratégique et géopolitique, car elle touche directement à la souveraineté, à la résilience et à l’autonomie technologique du pays. Le Maroc cherche à diversifier ses partenariats avec les fournisseurs d’équipements pour éviter une dépendance excessive à un seul acteur (comme il fait pour l’ensemble de sa politique d’ailleurs). Cette diversification permet de renforcer la résilience du réseau et de garantir la continuité des services en cas de crise. Les fournisseurs d’équipements doivent respecter des garanties strictes de sécurité et de conformité aux normes marocaines et internationales.

La 5G devrait permettre le développement de nouvelles applications et services, comme la télémédecine avancée, les usines intelligentes, les véhicules autonomes et les systèmes de gestion énergétique intelligents.

Les villes marocaines pourraient devenir des smart cities, avec des infrastructures connectées et des services publics optimisés. Par exemple, des systèmes de gestion du trafic en temps réel pourraient réduire les embouteillages et améliorer la mobilité urbaine.

Les 7 chiffres à retenir autour de la 5G au Maroc

1 Investissement total prévu pour la 5G : 80 milliards de dirhams d’ici 2035

2 Couverture 5G prévue d’ici 2030 : 70% de la population marocaine

3 Nombre de villes couvertes dès le lancement (novembre 2025) : 135 provinces et préfectures

4 Coût des licences 5G attribuées aux opérateurs : 2,1 milliards de dirhams (pour les trois licences)

5 Nombre de tours 5G prévues d’ici 2035 : 6.000 tours (dont 2.000 d’ici 3 ans)

6 Limites d’exposition aux ondes 5G au Maroc : 60% des seuils maximaux autorisés par l’OMS

7 Objectif de couverture rurale d’ici 2026 : 1. 800 localités rurales supplémentaires

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