1956 : aux origines de la Fête de la Jeunesse
Lorsque feu le roi Mohammed V institue la Fête de la Jeunesse en 1956, le Maroc vient tout juste de retrouver son indépendance. Le pays doit se reconstruire, affirmer son identité, écrire un nouveau récit national. Dans ce contexte, célébrer la jeunesse n’est évidemment pas anodin. C’est proclamer que l’avenir du Maroc repose sur l’énergie et l’engagement de ses nouvelles générations.
Sous feu le roi Mohammed V, la fête de la jeunesse coïncidait avec la célébration de l’anniversaire du prince héritier Moulay El Hassan (9 juillet), dit le premier jeune de la Nation. Les premières éditions sont simples et chargées de symboles. On organise des rassemblements dans les écoles, des compétitions sportives dans les grandes villes, des défilés de scouts et d’associations. La fête se veut populaire, elle doit unir les jeunes, leur donner le sentiment d’appartenir à une même communauté nationale.
Les instituteurs des écoles publiques étaient chargés de préparer des chants, des pièces de théâtre et les enfants répétaient des semaines durant. C’était un moment de fierté, un peu comme si l’avenir du Maroc se jouait sur la scène de l’école.
L’ère de feu le roi Hassan II : l’apogée protocolaire et populaire
A partir de 1961, avec l’accession au Trône de feu le roi Hassan II, la Fête de la Jeunesse prend une nouvelle dimension. La fête se double alors d’une célébration de l’anniversaire royal, ce qui en fait un rendez-vous à la fois populaire et institutionnel.
Durant les années 1960 et 1970, la fête s’inscrit dans le quotidien des Marocains. Les écoles organisent des cérémonies spéciales, la télévision retransmet des défilés et les stades accueillent de grands rassemblements. On se souvient notamment des tournois sportifs nationaux, lancés pour l’occasion et des concerts où des chanteurs emblématiques, comme Abdelhadi Belkhayat ou Naïma Samih, prenaient part aux festivités.
C’était aussi un moment de mise en valeur de la jeunesse « modèle ». Les meilleurs bacheliers étaient félicités publiquement, des prix étaient attribués aux jeunes sportifs et artistes prometteurs. La fête devenait ainsi un espace de reconnaissance et de motivation.
Dans les années 1980, malgré un contexte social marqué par des difficultés économiques, la Fête de la Jeunesse restait un moment attendu. Dans les foyers, on suivait à la télévision les cérémonies officielles, mais aussi les programmes spéciaux mettant en lumière la créativité des jeunes : concours de poésie, expositions de peinture, matchs de football inter-lycées…
L’ère du roi Mohammed VI : jeunesse et modernité
Avec l’avènement du roi Mohammed VI en 1999, la Fête de la Jeunesse garde sa dimension symbolique, mais s’adapte à d’autres défis. Le Roi fait de la jeunesse une priorité nationale. Dans ses discours, il insiste sur l’éducation, l’emploi, la formation professionnelle et l’ouverture sur le monde.
A partir des années 2000, le 21 août devient un moment où les grandes réformes sont rappelées : la réforme de l’éducation nationale, la promotion des start-up, l’essor du numérique, mais aussi les initiatives sociales visant à intégrer les jeunes issus de milieux défavorisés.
Des exemples concrets marquent ces années. En 2005, le lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) est largement mis en avant lors des célébrations de la Fête de la Jeunesse. En 2014, le Maroc met en lumière l’encouragement à l’entrepreneuriat jeune avec des programmes de financement pour les petites entreprises portées par des diplômés.
La fête devient aussi l’occasion de célébrer des projets culturels et sportifs. On se souvient de l’inauguration de complexes sportifs ou de maisons de jeunes dans plusieurs villes, qui coïncidaient avec le 21 août. Des événements musicaux, souvent animés par des artistes de la nouvelle génération comme Saïd Mouskir ou Fnaïre, ont donné une touche moderne à la célébration.
2019, recentrage symbolique
Le 13 août 2019, un communiqué du ministère de la Maison Royale, du Protocole et de la Chancellerie annonce une décision inédite : sur instruction du roi Mohammed VI, la cérémonie officielle célébrant son anniversaire au Palais Royal ne sera plus organisée.
Ce changement marque une rupture dans la forme. Désormais, le 21 août n’est plus associé à une cérémonie protocolaire d’anniversaire royal. Mais il ne disparaît pas, au contraire, il se recentre sur sa vocation première, la jeunesse.
Cette décision est perçue par beaucoup comme un signe de modernité et de sobriété. Depuis, la fête est moins cérémonielle, mais plus symbolique.
Aujourd’hui, plus de 65 ans après sa création, la Fête de la Jeunesse garde toute sa pertinence. Elle est célébrée dans les écoles, les clubs sportifs, les associations, mais aussi dans l’espace médiatique, où le 21 août devient un moment de débat sur les grands enjeux.
Ces enjeux sont :
- Le chômage des jeunes.
- L’éducation, avec les réformes successives qui cherchent à améliorer la qualité de l’enseignement.
- La migration, avec une jeunesse tentée par l’exil mais aussi par l’entrepreneuriat local.
- La culture et le numérique, où les jeunes Marocains innovent, créent et s’imposent de plus en plus à l’international.
Née dans l’enthousiasme de l’indépendance, devenue une grande célébration nationale sous feu le roi Hassan II, transformée en vecteur de réflexion et de modernité sous le roi Mohammed VI, elle continue aujourd’hui de soutenir la jeunesse.