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Sahara : le Maroc fait plier l’Espagne

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C’est un acquis important réalisé par la diplomatie marocaine sur le dossier du Sahara. Le Maroc, droits dans ses bottes, a poussé l’ex-occupant des provinces du Sud à abandonner sa position traditionnelle de neutralité négative adoptée par Madrid depuis 1975. Après une crise qui a duré plus d’un an, le gouvernement espagnol s’est rangé du côté de Rabat, en appuyant sa proposition d’autonomie pour le règlement d’un différend qui n’a que trop duré.

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Jamais depuis l’organisation de la Marche verte et la signature de l’accord tripartite Espagne-Maroc-Mauritanie le 14 novembre 1975 à Madrid, l’ancienne puissance administrante n’a agit en faveur du Maroc en ce qui concerne le dossier du Sahara. La récupération du Trône espagnol des mains du Général Franco par les Bourbons n’y changera rien. La solidité des relations entre les familles royales marocaine et espagnole et la succession des différents gouvernements de gauche et de droite au fil des décennies, ne fera pas avancer la position du voisin ibérique d’un iota. Ce 18 mars 2022 est un jour à marquer d’une pierre blanche dans le long processus de parachèvement de l’intégrité territoriale du Maroc. Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, a adressé un message au roi Mohammed VI indiquant que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara est «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend» (cf. encadré).

Un an de crise

Ce geste de soutien réclamé de longue date par Rabat à Madrid intervient après un an de brouille diplomatique. La normalisation des relations entre les deux Royaumes ne peut se faire aux dépens des intérêts du Maroc et de la cause nationale. Pour rappel, c’est l’accueil au printemps 2021, dans le plus grand secret, du chef des séparatistes pour des soins médicaux qui avait provoqué l’ire de Rabat et le rappel de l’ambassadrice Karima Benyaich pour consultations. Faisant allusion à cette erreur et reconnaissant l’importance de la question du Sahara pour le Maroc, Pedro Sánchez a promis que l’Espagne agira désormais «avec la transparence absolue qui correspond à un grand ami et allié». «Notre objectif est de construire une nouvelle relation, basée sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signés par les deux parties et l’abstention de toute action unilatérale, à la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons», a affirmé le président du gouvernement espagnol dans son message au Souverain. «Je vous assure que l’Espagne tiendra toujours ses engagements et sa parole», a ajouté Sánchez qui compte bientôt effectuer une visite au Maroc.

La visite du chef de l’exécutif espagnol sera précédée de celle de son ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération. José Manuel Albares se rendra au Maroc avant le mois de Ramadan. Il a souligné, vendredi, que Madrid clôture «définitivement une crise avec un partenaire stratégique». Cette nouvelle étape sera basée sur le «respect mutuel, le respect des accords, l’absence d’actions unilatérales et la transparence et la communication permanente», a insisté le chef de la diplomatie espagnole lors d’une conférence de presse à Barcelone.

La visite d’Albares à Rabat sera la première depuis sa prise de fonction le 13 juillet 2021 et devrait coïncider avec le retour à Madrid de l’ambassadrice du Maroc.

Diverses réactions

Le Maroc a très vite réagi par rapport à la nouvelle position espagnole. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, précise que le Royaume «apprécie hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara marocain». Le département dirigé par Nasser Bourita ne manque pas de souligner que les termes du message de Pedro Sánchez au Souverain «permettent d’envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d’inscrire, durablement, le partenariat bilatéral dans le cadre des bases et des paramètres nouveaux, soulignés dans le discours royal du 20 août dernier».

En Espagne, le Parti populaire et Ciudadanos ont demandé la comparution urgente du président du gouvernement, Pedro Sánchez, en séance plénière devant les députés pour donner des explications sur le changement de position de l’exécutif espagnol. Le parti Podemos, membre de la majorité au pouvoir, a pour sa part dénoncé «l’abandon de la position de neutralité».

Comme on pouvait s’y attendre, l’Algérie qui se dit pourtant partie non prenante du conflit autour du Sahara, a très mal digéré le changement de position annoncépar l’Espagne vendredi. En conséquence, l’Algérie a décidé le rappel avec « effet immédiat » de son ambassadeur à Madrid après les déclarations du chef du gouvernement espagnol qui constituent, selon Alger, un « brusque revirement » de position sur le Sahara,selon un communiqué cité par les médias officiels.

Du côté des séparatistes, c’est la douche froide. Déplorant la « décision regrettable » prise par l’Espagne de soutenir l’initiative d’autonomie proposée en 2007 par le Maroc pour le Sahara, le Polisario a dit avoir reçu l’annonce « avec une grande surprise ». Selon le Polisario, le gouvernement espagnol « a choisi de se soumettre » aux pressions du Maroc pour changer sa position officielle vis-à-vis du Sahara, ce qui affecte de manière « négative » tout rôle éventuel de l’Espagne dans la solution du conflit.

Une stratégie payante

L’appui exprimé par l’Espagne au plan marocain d’autonomie pour les provinces du Sud intervient après le soutien de l’Allemagne à ce plan au début de l’année. Berlin avait noté qu’il représente «une bonne base pour parvenir à un accord sur le différend régional». Nous sommes dans le même schéma: rupture des relations diplomatiques, révision de la position du pays partenaire, puis normalisation des relations. Selon l’expert en relations internationales, Hafid Boutaleb, ce changement de position fait suite au message ferme du Maroc quant à son attachement à son intégrité territoriale et à la marocanité du Sahara. Notre intervenant explique que«le Maroc a noué beaucoup de partenariats avec l’Union européenne (UE). Il bénéficie d’ailleursdepuis 2008d’un statut avancé avec l’UE, base d’un partenariat solide. Le Royaume a donc envoyé à ces pays et à ces organisations un signal fort sur le fait que son intégrité territoriale est non négociable».Grâce à cette politique de fermeté, poursuit-il,«aujourd’hui on constateun retour qui est positif de la part de ces pays qui veulent d’abord construire des relations durables avec le Maroc, car ils reconnaissent son rôle dans la région».

Abdelhamid Benkhatab, professeur de sciences politiques à l’Université Mohammed V de Rabat, abonde dans le même senset estime que le discours royal du 20 août 2021 a marqué un tournant avec une nouvelle doctrine en matière de diplomatie. «Beaucoup de pays considèrent le Maroc comme un pays sous-développé qui n’a pas pu surpasser les premières années d’indépendance. Or, le pays s’est depuis quelques décennies imposé comme étant une puissance régionale incontournable dans la Méditerranée», a commenté Benkhattab. Le politologue souligne également que le limogeage de l’ex-ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a été un premier signe d’apaisement envoyé par l’Espagne au Maroc et que ce dernier a bien fait comprendre à l’Espagne qu’elle ne peut pas jouer avec ses intérêts vitaux.«Le Maroc ne peut plus accepter que ses intérêts vitaux soient remis en cause. Un partenariat stratégique ne peut pas se faire sans un minimum de confiance mutuelle et de respect des intérêts nationaux du partenaire et ça, je pense que l’Espagne l’a bien saisi», conclutBenkhattab.

Le roi Mohammed VI avait en effet tenu un discours clair dans ce sens à l’occasion du 68e anniversaire de la Révolution du roi et du peuple. «D’aucuns prétendent que le Maroc est ainsi assailli parce qu’il aurait changé son orientation politique et stratégique, ainsi que son modus operandi dans le traitement de certaines questions diplomatiques. Il n’en est rien. Le Maroc a effectivement changé mais pas dans le sens souhaité par ses détracteurs. Il a changé parce qu’il n’accepte pas que ses intérêts supérieurs soient malmenés», avait soutenu le Souverain. Un discours qui rappelle celui du 20 avril 2016 à Ryad. Invité à prendre part au 1erSommet entre le Maroc et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le Souverain avait adressé un discours inédit, adoptant une posture souverainiste et faisant preuve d’une autonomie stratégique.Le Roi avait critiqué l’inconstance des alliés occidentaux du Maroc. Ce discours réalistesera suivi par une diplomatie plus offensive et par une fermeté vis-à-vis des puissances aux positions ambivalentes.

Si pour l’Espagne, l’appui au plan marocain d’autonomie est un pas de géant, pour le Maroc c’est un geste de bonne volonté qui doit se traduire par une évolution de la position de Madrid vers une reconnaissance de la marocanité du Sahara. D’autres pays doivent trancher avec la neutralité négative qu’ils adoptent depuis longtemps. Cette position ne convient plus aux intérêts supérieurs du Royaume.

Lire aussi :Dakhla-Oued Eddahab : une région en or

Communiqué du Cabinet royal du 18 mars 2022 « L’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend » au sujet du Sahara Marocain. Dans un Message adressé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, le Président du Gouvernement espagnol, S.E.M. Pedro Sánchez, a souligné qu’il « reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc ». A ce titre, « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ». Il a, également, souligné « les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations Unies pour trouver une solution mutuellement acceptable ». Dans son message au Souverain, le Président du Gouvernement espagnol a, en outre, mis en exergue que les « deux pays sont unis inextricablement par des affections, une histoire, une géographie, des intérêts et une amitié partagée ». M. Sánchez s’est dit « convaincu que les destins des deux peuples le sont aussi » et que « la prospérité du Maroc est liée à celle de l’Espagne, et inversement ». « Notre objectif est de construire une nouvelle relation, basée sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signés par les deux parties et l’abstention de toute action unilatérale, à la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons », a affirmé le Président du Gouvernement espagnol dans son message au Souverain. Dans ce contexte, « l’Espagne agira avec la transparence absolue qui correspond à un grand ami et allié ». « Je vous assure que l’Espagne tiendra toujours ses engagements et sa parole », a ajouté S.E.M. Pedro Sánchez. Par ailleurs, dans ce message à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, le Président du Gouvernement d’Espagne a réitéré sa « détermination à relever ensemble les défis communs, notamment la coopération pour la gestion des flux migratoires dans la Méditerranée et l’Atlantique, en agissant toujours dans un esprit de pleine coopération ». « Toutes ces actions seront entreprises dans le but de garantir la stabilité et l’intégrité territoriale des deux pays », a conclu le Président du Gouvernement d’Espagne, S.E.M. Pedro Sánchez, dans son message au Souverain.

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