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Né à Atlanta, le 15 janvier 1929, Martin Luther King Jr. grandira dans une Amérique ségrégationniste. Les citoyens n’étaient pas tous traités à la même enseigne, ils étaient séparés selon leur couleur de peau.
Très bon élève, il sautera deux années de lycée, avant d’aller, à seulement 15 ans, au Morehouse College, une université réservée aux étudiants afro-américains. Il décrochera sa licence en sociologie en 1948, avant d’obtenir un doctorat en théologie en 1955. Si sa foi inébranlable le conduira à devenir pasteur, c’est son rôle de militant qui marquera les esprits. Il prônera, tout au long de sa vie, la lutte pacifiste pour la défense des droits civiques des personnes noires.
Dans une Amérique puritaine, les ennemis de cette pensée sont nombreux. Impossible d’imaginer qu’à l’époque, une personne de peau noire pouvait s’asseoir aux côtés d’une personne de peau blanche. Les mentalités sont difficiles à changer, et Martin Luther King Jr. en fera sa bataille.
C’est dans cette lancée, qu’en 1957 il créera avec d’autres activistes, la Southern Christian Leadership Conference (SCLC). Cette organisation pacifique participera activement au mouvement pour les droits civiques en organisant les églises afro-américaines pour conduire des protestations non-violentes. Lumière sur une vie pas comme les autres…
L’éveil d’une conscience
C’est à seulement 6 ans que Martin Luther King Jr. subira sa première expérience de ségrégation raciale. Deux de ses camarades blancs n’étaient plus autorisés à jouer avec lui, puisqu’ils allaient, à présent, dans une école ségrégationniste blanche.
Plus tard, à l’université, il suivra les enseignements du théoricien Benjamin E. Mays, qui influencera le futur activiste, par ses leçons de non-violence. Il sera aussi influencé par les écrits de Mohandas Karamchand Gandhi, du pasteur pacifiste et socialiste Norman Thomas, de Reinhold Niebuhr sur le christianisme social, mais aussi de Karl Marx.
Suite à son mariage avec Coretta Scott en 1953, il déménage à Montgomery (Alabama). Le Sud des États-Unis était, et est encore aujourd’hui, connu pour les violences commises envers les personnes de couleur noire. A cette même période (1955), le pays est marqué par trois meurtres racistes : Emmett Till, un adolescent de 14 ans, le pasteur engagé, George W. Lee, et le militant des droits civiques, Lamar Smith.
Les batailles pacifistes se poursuivent et c’est ainsi que l’un des plus grands actes de l’Histoire prendra forme : le 1er décembre 1955, Rosa Parks refuse de céder sa place à un blanc, dans un bus. Elle sera, par la suite, arrêtée pour avoir violé les lois de la ville. Avec l’aide du pasteur Ralph Abernathy et d’Edgar Nixon, directeur local du National association for the Advancement of colored people, Martin Luther King Jr. appelle au boycott des bus de Montgomery.
La population noire s’organise et met en place un système de covoiturage. Dans cette campagne qui durera 382 jours, Martin Luther King Jr. est arrêté à son tour, et des attaques terroristes sont organisées à son encontre. Sa maison familiale sera attaquée à la bombe incendiaire le 30 janvier 1956, ainsi que quatre églises.
Malgré les violences physiques qu’elle a subies, la population noire de la ville, qui se comptait à l’époque à 40.000 personnes, tient bon et continue de marcher sur des kilomètres jusqu’à son lieu de travail, pour ne pas avoir à prendre le bus.
Une première victoire pour le clan King, la Cour suprême des États-Unis déclarera la ségrégation dans les restaurants, les autobus, les écoles et lieux publics, illégale, le 21 décembre 1956.
Suite à la création de la SCLC, il n’hésitera pas à donner son point de vue sur la ségrégation et ce qu’elle engendre, dans son livre intitulé Stride toward freedom: the Montgomery story, un récit historique relatant des conditions de vie des Afro-Américains vivant en Alabama :
«Souvent, les hommes se haïssent les uns les autres parce qu’ils ont peur les uns des autres. Ils ont peur parce qu’ils ne se connaissent pas. Ils ne se connaissent pas parce qu’ils ne peuvent pas communiquer. Ils ne peuvent pas communiquer parce qu’ils sont séparés.»
La haine du communisme
Le 20 septembre 1958, alors qu’il signe des autographes au niveau de Harlem, Izola Curry, une femme noire le poignarde, l’accusant d’être un chef communiste. Par chance, il s’en sortira, et pardonnera même à son agresseuse, jugée comme déséquilibrée. Il dira à ce propos : «L’aspect pathétique de cette expérience n’est pas la blessure d’un individu. Il démontre qu’un climat de haine et d’amertume imprègne tellement notre nation que des accès d’extrême violence doivent surgir inévitablement. Aujourd’hui c’est moi. Demain cela pourrait être un autre dirigeant ou n’importe quel homme, femme ou enfant qui sera victime de l’anarchie et de la brutalité. J’espère que cette expérience se révélera socialement constructive en démontrant le besoin urgent de la non-violence pour gouverner les affaires des hommes. »
Dans ce rouage d’une Amérique anti-communiste, le FBI le mettra sur écoute et même si aucune preuve ne sera trouvée en six ans, l’agence fera tout pour le renvoyer de son poste de dirigeant de l’organisation.
Toutefois, à cette période, les médias se lâchent et relatent les faits du Sud des États-Unis. Les batailles non-violentes, face à la violence subie, attirent la sympathie de l’opinion publique et la tendance s’inverse. A présent, les marches pour la déségrégation, pour le droit de vote des personnes à la peau noire… seront suivies par les Américains. La plupart de ces droits ont été votés comme lois avec le Civil Rights Act de 1964 et le Voting Rights Act de 1965.
La lutte s’étend
En 1960, Birmingham comptait 350.000 habitants, dont 65% étaient blancs et 35%, noirs. La ville était alors réputée pour maintenir la plus grande ségrégation raciale des États-Unis, tant dans les établissements publics que privés. La population noire, représentant seulement 10% des inscrits sur les listes électorales, était confrontée à des conditions de vie bien inférieures à celles des Blancs, avec des salaires nettement plus bas et des opportunités d’emploi limitées aux travaux manuels dans les aciéries. Les attaques racistes non résolues et fréquentes lui ont valu le surnom de «Bombingham». Malgré les efforts du pasteur Shuttlesworth pour combattre la ségrégation, la ville a réagi en fermant les parcs après avoir perdu en justice. Arrêté en 1962, Shuttlesworth a fait appel à Martin Luther King Jr. et au SCLC pour l’aider dans la lutte pour l’égalité raciale à Birmingham.
Les protestations ont commencé avec un boycott à Pâques 1963, visant à ouvrir les emplois et à mettre fin à la ségrégation dans les magasins. Face à la résistance économique, King et le SCLC ont lancé le projet C, comprenant des manifestations non violentes comme des sit-ins, des marches pacifiques et des actions symboliques dans les églises et les bibliothèques.
Martin Luther King Jr. a résumé la philosophie de cette campagne comme étant basée sur la non-violence et la provocation d’arrestations pour attirer l’attention sur les injustices raciales : «Le propos de […] l’action directe est de créer une situation qui déclenche un tel nombre de crises qu’elle ouvre inévitablement la porte à des négociations.»
Le 13 avril, il est appréhendé et durant son incarcération, il rédige la célèbre « Lettre de la prison de Birmingham », un manifeste définissant sa lutte contre la ségrégation. Il bénéficie du soutien direct de sa femme Coretta, du président John Fitzgerald Kennedy et de la première dame Jacqueline Kennedy. Une semaine plus tard, il est libéré.
Face à une pénurie de volontaires dans la campagne, les organisateurs, malgré les réticences de Martin Luther King Jr., font appel à des étudiants et des enfants, surnommés par les médias « la croisade des enfants« . Le 2 mai, des centaines d’étudiants, lycéens et écoliers sont préparés pour participer pacifiquement aux manifestations. Ils sont violemment arrêtés par la police, qui utilise des chiens et des jets d’eau à haute pression si puissants qu’ils peuvent déchirer les vêtements ou projeter une jeune femme par-dessus une voiture.
En réaction, et malgré les instructions du SCLC, des parents et des passants commencent à jeter des projectiles sur la police, mais sont raisonnés par les organisateurs. La décision d’impliquer des enfants même dans une manifestation non violente est vivement critiquée, notamment par le ministre de la Justice Robert Francis Kennedy et le militant Malcolm X, qui affirme que «les vrais hommes ne mettent pas leurs enfants en première ligne». Bien qu’il soit resté silencieux et à l’écart de la ville alors qu’un de ses amis organisait les manifestations des enfants, Martin Luther King Jr. reconnaît le succès de l’événement.
Les médias ont largement diffusé les scènes de violences policières, suscitant des réactions internationales et mettant en évidence la ségrégation raciale dans le Sud des États-Unis. Le sénateur de l’Oregon, Wayne Morse, a comparé Birmingham à l’apartheid en Afrique du Sud. Les prisons sont débordées, certains enfants se présentent volontairement pour être arrêtés, chantant devant les portes. La ville est au bord de l’effondrement civil et économique, avec des commerces du centre-ville ne fonctionnant plus.
Le 21 mai, le maire a démissionné, le chef de la police a été renvoyé. Et en juin, toutes les pancartes ségrégationnistes ont été retirées et les lieux publics, ouverts aux Noirs.
À la fin de la campagne, la réputation de Martin Luther King Jr. n’est plus à faire, et Birmingham a contribué au succès de la marche vers Washington. Le dimanche 15 septembre, un attentat à la bombe du Ku Klux Klan contre l’église baptiste de la 16e rue, pendant la prière, a causé la mort de quatre jeunes filles noires et blessé 22 enfants, suscitant une indignation nationale et renforçant le mouvement des droits civiques.
« I have a dream »
Martin Luther King, en tant que dirigeant du SCLC, joue un rôle central parmi les six principales organisations pour les droits civiques, organisant la marche sur Washington pour l’emploi et la liberté. En réponse à la demande du président John F. Kennedy, il consent à modifier le message de la marche.
Initialement, le président, bien qu’ayant publiquement soutenu Martin Luther King et ayant déjà intercédé en sa faveur lors de plusieurs arrestations, s’opposait à la marche, craignant son impact négatif sur le vote de la loi sur les droits civiques. Le but initial de la marche était de mettre en lumière la détresse des Afro-Américains dans les États du Sud et l’échec du gouvernement fédéral à garantir leurs droits et leur sécurité.
Sous la pression et l’influence présidentielle, le groupe des six consent à transmettre un message moins radical. Cependant, certains militants des droits civiques estiment que cette concession dénature la réalité de la situation des Noirs. Malcolm X va jusqu’à qualifier l’événement de « farce sur Washington », et les membres de la Nation of Islam, qui participent à la marche, se retrouvent temporairement suspendus de leur organisation.
Toutefois, malgré les critiques, la marche fait passer des revendications claires :
- la fin de la ségrégation raciale dans les écoles publiques ;
- une législation significative sur les droits civiques (incluant une loi interdisant la discrimination raciale dans le monde du travail) ;
- une protection des militants des droits civiques contre la violence policière ;
- un salaire minimum de 2$ de l’heure, pour tous les travailleurs sans distinction ;
- un gouvernement indépendant pour Washington, D.C., qui dépend alors d’un comité du congrès.
Malgré les tensions, la marche du 28 août 1963 est un immense succès, rassemblant plus de 250.000 personnes de toutes les ethnies devant le Lincoln Memorial. Cet événement marque la plus grande manifestation jamais organisée dans l’Histoire de la capitale américaine.
Le point culminant de l’effort de Martin Luther King Jr. est son célèbre discours « I have a dream« , exprimant sa vision d’une Amérique fraternelle. Ce discours est largement salué comme l’un des meilleurs de l’Histoire américaine, aux côtés du discours de Gettysburg d’Abraham Lincoln.
Pourtant, Martin Luther King et le mouvement des droits civiques ne sont pas populaires auprès de l’opinion publique. En effet, les deux tiers des Américains rejettent la marche. Selon les sondages du New York Times de 1964, les New-Yorkais considèrent Martin Luther King Jr. comme un « extrémiste » et jugent les revendications des droits civiques comme « excessives ».
Le 14 octobre 1964 marque le jour où Martin Luther King Jr. est devenu le plus jeune lauréat du prix Nobel de la paix, récompensé pour son leadership dans la lutte non violente contre les préjugés raciaux aux États-Unis.
Assassinat
À la fin de mars 1968, Martin Luther King Jr. se rend à Memphis, dans le Tennessee, pour soutenir les éboueurs noirs en grève depuis le 12 mars pour obtenir de meilleures conditions de travail et un salaire équitable. Des affrontements éclatent lors des manifestations pacifiques, entraînant la mort d’un jeune Afro-Américain.
Le 3 avril, au Temple Mason, siège mondial de l’Église de Dieu en Christ, Martin Luther King Jr. prononce son discours prophétique intitulé «I’ve Been to the Mountaintop» (traduisez, « J’ai été au sommet de la montagne »), devant une foule enthousiaste.
Il partage ses réflexions sur la menace potentielle qui pèse sur sa vie, exprimant son désir de réaliser la volonté de Dieu et sa vision de la terre promise pour son peuple, malgré les dangers.
Le lendemain, le 4 avril 1968, à 18h01, Martin Luther King Jr. est assassiné sur le balcon du motel Lorraine à Memphis, Tennessee. Ses amis entendent des coups de feu et le trouvent grièvement blessé. Il décède peu après à l’hôpital Saint-Joseph.
L’assassinat déclenche des émeutes raciales dans plus de 60 villes américaines, nécessitant l’intervention de la Garde nationale et faisant de nombreuses victimes. Cinq jours plus tard, le président Johnson déclare un jour de deuil national en l’honneur de Martin Luther King Jr., le premier pour un Afro-Américain. Des centaines de milliers de personnes assistent à ses funérailles, marquées par la présence du vice-président Hubert Humphrey.
À la demande de sa veuve, les honneurs sont minimisés et son engagement envers la justice sociale et son amour pour l’humanité sont mis en avant. Son amie Mahalia Jackson chante son hymne préféré, «Precious Lord, Take My Hand» (traduisez, « Seigneur, prends ma main »), comme il l’avait souhaité.
Il est mort à l’âge de 39 ans, mais auara vécu une vie digne d’un homme de 100 ans.