Madagascar : cinq morts en 24 heures de manifestations

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Madagascar : l'anatomie d’un bouleversement historiqueAffrontement entre les manifestants et les forces de l'ordre à Antananarivo © DR
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La crise sociale à Madagascar s’exprime désormais dans la rue. Initialement centrée sur les délestages quotidiens, la mobilisation s’est transformée en révolte politique à Antananarivo, marquée par des heurts meurtriers et des attaques ciblant des élus. La réponse sécuritaire du gouvernement, sans mesures concrètes, souligne la fragilité d’un pouvoir déjà contesté.

Les manifestations contre les coupures récurrentes d’eau et d’électricité ont dégénéré jeudi 25 septembre à Antananarivo, la capitale malgache. Selon une source hospitalière, au moins cinq personnes ont perdu la vie au cours des affrontements. Ce mouvement de colère, amorcé en réaction aux délestages prolongés et à la dégradation des services publics, s’est rapidement transformé en une contestation plus large contre les autorités, accusées d’« arbitraire » et de « corruption ».

Lancé par « Gen Z Madagascar » sur les réseaux sociaux, le rassemblement a mobilisé plusieurs centaines de manifestants, regroupés par petits groupes, qui ont tenté de converger vers le centre-ville dans la matinée, malgré l’interdiction préfectorale. Les forces de sécurité avaient quadrillé les rues et installé des barrages pour bloquer l’accès au quartier d’Ambohijatovo, point de rendez-vous prévu. Des heurts ont éclaté : gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc et arrestations ont marqué la journée.

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À la mi-journée, la tension a fortement augmenté. Le domicile de la sénatrice Lalatiana Rakotondrazafy a été incendié par des manifestants, tandis que celui d’un député de la capitale a été saccagé. Le centre commercial Tana Water Front et la station de téléphérique d’Ankorondrano ont également été pris pour cibles. Le soir, de violentes détonations résonnaient encore dans la ville, alors que des barrages enflammés bloquaient de nombreuses artères.

Un couvre-feu pour contenir la crise

Face à la gravité des événements, le Premier ministre Christian Ntsay a annoncé l’instauration d’un couvre-feu de 19h à 5h du matin. Celui-ci a été levé vendredi matin, mais sera rétabli chaque soir « tant que l’ordre ne sera pas rétabli », a précisé le préfet d’Antananarivo.

Les autorités ont également décrété la suspension des cours dans la capitale et dans plusieurs grandes villes, dont Antsirabé, où des affrontements ont éclaté. La mesure concerne aussi les districts voisins d’Atsimondrano, d’Avarodrano et d’Ambohidratrimo. Cette décision reflète l’inquiétude du gouvernement face à une mobilisation susceptible de s’étendre.

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L’incertitude demeure quant à l’évolution de la contestation. Plusieurs appels circulent sur les réseaux sociaux, incitant les jeunes à maintenir les rassemblements. L’absence de communication du président Andry Rajoelina, de retour d’un déplacement à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies, entretient le flou politique.

Un malaise social au grand jour

Si la mobilisation a été déclenchée par les coupures d’eau et d’électricité, ses racines plongent plus profondément dans la situation socio-économique du pays. Avec près de 75% de la population vivant sous le seuil de pauvreté en 2022, selon la Banque mondiale, Madagascar demeure l’un des pays les plus pauvres au monde, malgré ses richesses naturelles.

Les délestages sont désormais quotidiens, pouvant atteindre jusqu’à douze heures par jour. Cette situation pèse lourdement sur les habitants, qui se sentent abandonnés. « On travaille, on paie nos impôts, mais on rentre dans l’obscurité et sans eau », déplore Aina, une étudiante de 20 ans. D’autres manifestants brandissent des pancartes dénonçant une « vie de bidons jaunes », en référence aux récipients servant à stocker l’eau.

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Les slogans scandés dans les rues et les banderoles reflètent un rejet global de la gouvernance actuelle : « Stop à une vie faite de noirceur », « Laissez-nous faire entendre nos droits ». Si aucune figure politique d’opposition n’a été repérée dans les cortèges, le mouvement apparaît comme spontané, né d’une exaspération généralisée.

Un pouvoir fragilisé

Âgé de 51 ans, Andry Rajoelina a été réélu fin 2023 lors d’un scrutin marqué par une forte abstention et le boycott de l’opposition. Sa légitimité demeure contestée, d’autant que son premier accès au pouvoir, en 2009, s’était déjà produit dans un contexte insurrectionnel. Les récents événements rappellent la fragilité du climat politique malgache, où la rue joue souvent un rôle décisif.

Le recours à la répression, avec des forces spéciales tirant des balles en caoutchouc et multipliant les arrestations, risque d’alimenter la colère populaire. Les autorités cherchent à contenir la contestation par des mesures sécuritaires, mais sans réponse concrète aux revendications sociales, la mobilisation pourrait se prolonger.

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