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La CEDEAO fête ses 50 ans dans la sobriété

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La Cedeao fête ses 50 ans dans la sobriétéCélébration des 50 ans de la CEDAO à Lagos © DR

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) fête ses 50 ans. Si l’organisation a connu des réussites notables, notamment en matière d’intégration régionale, elle traverse aujourd’hui une période de turbulences marquée par les départs de plusieurs États, une insécurité croissante et une perte de légitimité politique.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a célébré, le 28 mai, ses cinquante ans d’existence à Lagos, au Nigeria, là même où tout avait commencé avec la signature du traité de Lagos par 15 chefs d’État et de gouvernement d’Afrique de l’Ouest en 1975. Ce jubilé d’or, placé sous le signe du souvenir et de la réflexion, intervient dans un contexte particulièrement tendu pour l’organisation, autrefois modèle d’intégration en Afrique.

Depuis sa création, la CEDEAO a connu des avancées notables, dont la plus emblématique reste la libre circulation des personnes et des biens. Grâce à un document de voyage commun, les citoyens de douze pays peuvent désormais franchir les frontières de la sous-région sans visa. Des Béninois, Ghanéens ou Sénégalais peuvent s’installer librement à Lagos ou Abidjan, symbole d’une intégration qui, sur le plan humain, a transformé les dynamiques régionales. Cette mesure a mis fin aux expulsions massives qui avaient marqué les années 1970 et renforcé la cohésion entre les peuples ouest-africains.

Une célébration sur fond de tensions

Mais cette célébration a un goût amer. Elle survient à une période de turbulences sécuritaires, diplomatiques et économiques. Le retrait fracassant du Mali, du Burkina Faso et du Niger, tous trois gouvernés par des régimes militaires, a ébranlé le socle de l’unité régionale. Ces départs traduisent un malaise profond et une perte de confiance envers l’organisation, qui peine à s’imposer comme un arbitre crédible dans les crises politiques récurrentes.

Réunis à Lagos pour marquer l’anniversaire, les chefs d’État ont tenté de réaffirmer leur engagement envers les principes fondateurs de la CEDEAO. Le président nigérian Bola Tinubu, à la tête de l’organisation, et le général Yakubu Gowon, l’un de ses pères fondateurs, ont appelé les dirigeants ouest-africains à défendre et à transmettre la vision fondatrice de la CEDEAO. Ils ont souligné la nécessité de transcender les frontières de l’ère coloniale et de renforcer le sentiment d’unité régionale.

Lire aussi : La CEDEAO met un terme aux contrats des fonctionnaires issus de l’AES

Depuis plusieurs années, la CEDEAO fait face à une montée inquiétante des violences terroristes, notamment dans le Sahel et autour du lac Tchad. Le Bénin et le Nigeria ont été visés par une série d’attaques, illustrant la fragilité croissante de la sécurité régionale. Le Sahel, classé en 2024 comme l’épicentre mondial du terrorisme, concentre à lui seul plus de la moitié des décès liés à des attentats dans le monde, selon l’Indice du terrorisme mondial.

Ces tensions internes pèsent sur les relations économiques. Après le coup d’État au Niger en 2023, les sanctions décidées par la CEDEAO ont gravement affecté les échanges avec le Nigeria. Les taxes à l’importation ont été multipliées par cinq, poussant les commerçants vers la contrebande pour survivre. Ce climat d’insécurité et de méfiance mine les acquis économiques patiemment construits au fil des décennies.

Entre perte de légitimité et manque de leadership

Autrefois pilier de la CEDEAO, le Nigeria peine aujourd’hui à jouer son rôle moteur. Confronté à de multiples crises internes — insécurité persistante, inflation, mauvaise gouvernance — le géant ouest-africain paraît affaibli. Un rapport du cabinet SBM Intelligence parle même d’un Nigeria « vacillant », dont la fragilité entrave la dynamique collective de la CEDEAO. Ce recul du leadership régional aggrave les divisions et freine les projets communs.

Lire aussi : La création de la Confédération de l’AES au cœur du sommet de la Cedeao

Pour de nombreux observateurs, la CEDEAO traverse une profonde crise de légitimité. Le départ de plusieurs États membres ne fait qu’accentuer une perte de cohérence déjà perceptible. L’échec du projet de monnaie unique, l’ECO, symbolise cette désunion croissante. Pour les experts, la CEDEAO est en train de perdre le « cap ». Les sanctions imposées sans dialogue, l’absence d’approche nuancée face aux transitions politiques et le manque de résultats concrets ont éloigné l’organisation de ses citoyens.

Certaines ONG, présentes lors des célébrations à Lagos, ont appelé à un recentrage sur les principes démocratiques, le respect des constitutions et la bonne gouvernance. Pour elles, seule une CEDEAO crédible et exemplaire peut espérer regagner la confiance des populations.

Cinquante ans après sa naissance, la CEDEAO fait donc face à une équation complexe. L’organisation est aujourd’hui à la croisée des chemins : il lui faut repenser ses mécanismes, renouer avec ses valeurs fondatrices et surtout, bâtir un nouveau consensus entre États membres. Au cas contraire, elle risque de ne plus compter.

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