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Fiscalité : l’Afrique doit prendre son destin en main

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En octobre 2022, une rencontre d’importance a eu lieu à Washington, réunissant les ministres des Finances du G7, leurs homologues africains, ainsi que les principales puissances donatrices et créancières. L’objectif de cette réunion était de discuter des moyens de stimuler la croissance, la résilience et la durabilité en Afrique. Dans cette optique, les ministres des Finances du G7 ont fait appel à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour qu’elle poursuive son soutien significatif aux nations africaines dans le domaine de la fiscalité. L’OCDE a livré son premier rapport pour éclairer les discussions lors de la table ronde du G7 pour l’Afrique, qui s’est tenue le 14 octobre 2023 à Marrakech. Détails.

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Les auteurs du rapport de l’OCDE intitulé « La fiscalité internationale et l’Afrique » ont livré leur diagnostic et leurs recommandations aux ministres des Finances et aux gouverneurs des banques centrales du G7. Ils expliquent qu’au cours de la dernière décennie, les pays africains ont pris part à la coopération fiscale internationale grâce au cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Ce cadre a récemment évolué pour faire face aux enjeux fiscaux de l’économie numérique, introduisant deux piliers importants. Le Pilier I simplifie les règles fiscales internationales en changeant la façon dont les bénéfices sont répartis et en simplifiant les prix de transfert. Le Pilier II fixe quant à lui un taux d’imposition minimum mondial de 15%, assurant des recettes fiscales stables pour les pays africains tout en réduisant les incitations fiscales nocives.

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Nécessité de renforcer les capacités des pays africains

L’Afrique a joué un rôle central dans la création de ces piliers, en façonnant des règles adaptées à ses besoins, y compris le traitement des paiements intragroupes dans les juridictions à faible imposition. Cependant, les pays en développement, en particulier en Afrique, demandent plus de participation et de renforcement des capacités pour influencer davantage les processus décisionnels.

Le renforcement des capacités est essentiel pour mettre en œuvre ces changements. Il nécessite une assistance technique et une coordination des partenaires au développement, tant pour les administrations fiscales que les ministères des Finances en Afrique. Les standards minimums du BEPS restent importants pour aider les pays africains à taxer efficacement les entreprises multinationales opérant sur leur territoire.

Toutefois, l’impôt sur les sociétés ne peut résoudre à lui seul les besoins budgétaires de l’Afrique. Il est nécessaire d’aborder d’autres questions fiscales telles que la TVA, la transparence fiscale, la fiscalité des entreprises informelles et la modernisation des administrations fiscales pour augmenter les recettes fiscales conformément aux priorités africaines de développement.

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Évolution de la fiscalité en Afrique : enjeux et perspectives

Le paysage fiscal international est actuellement en pleine effervescence et cela retient l’attention des autorités africaines. Les politiques fiscales peuvent jouer un rôle crucial dans la promotion de l’intégration économique et de l’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires, qui sont essentiels à la vision de l’avenir de l’Afrique. Les politiques fiscales resteront au cœur des priorités des États alors qu’ils cherchent à financer leur développement. Bien que l’impôt sur les bénéfices des sociétés soit un levier majeur, les décideurs devront combiner divers outils et stratégies pour maximiser l’efficacité de leurs systèmes fiscaux tout en envisageant d’autres sources de revenus en fonction de leurs besoins.

Le rapport met en lumière le rôle significatif joué par les voix africaines dans les discussions sur la fiscalité internationale. Cependant, il reconnaît également l’appel pressant des pays en développement, en particulier de l’Afrique, en faveur d’une plus grande influence sur les processus décisionnels et d’un renforcement des capacités pour participer activement aux discussions et aux travaux techniques. À l’avenir, alors que le cadre inclusif poursuit ses travaux, les pays africains représentés au sein du groupe de pilotage et des groupes de travail auront l’occasion d’exercer leur influence pour façonner l’agenda du cadre inclusif.

Depuis plus de dix ans, le G7 joue un rôle prépondérant dans les travaux liés à la fiscalité et au développement, en adoptant une approche triple : fournir une expertise, mobiliser des financements pour le renforcement des capacités et influencer le contexte politique pour favoriser l’inclusion des pays en développement. À l’avenir, ces efforts devront être intensifiés. Le G7, les pays africains, les parties prenantes et les partenaires nationaux et internationaux du développement devront concentrer leurs actions pour améliorer la mobilisation des ressources internes en Afrique dans divers domaines.

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Une série de recommandations

Le G7 et d’autres partenaires au développement devraient prioriser l’intensification des activités de renforcement des capacités et de l’assistance technique pour les administrations fiscales et les ministères des Finances. Cela pourrait inclure :

  • le lancement d’un plan d’action global d’ici fin 2023 en soutien à une mise à jour rapide et coordonnée de la Solution reposant sur deux piliers, en fournissant une expertise et des financements pour élargir les programmes bilatéraux existants de renforcement des capacités à davantage de pays africains et en intégrant la Solution reposant sur deux piliers ;
  • l’assistance technique pour aider les pays africains à appliquer les standards minimums du BEPS, y compris la réception des déclarations pays par pays et la protection efficace de leur base d’imposition contre les abus des conventions fiscales ;
  • l’élargissement des programmes complets de renforcement des capacités menés par l’OCDE en collaboration avec l’IGF et l’ATAF en Afrique pour soutenir la capacité des pays africains à imposer correctement les revenus tirés de l’exploitation de leurs ressources minérales.

Il est important que les gouvernements africains ciblent leurs priorités en tenant compte de leurs propres circonstances, en envisageant des réformes fiscales au-delà de l’impôt sur les sociétés, estiment les experts de l’OCDE. En Afrique, les recettes de l’IS occupent une place de choix dans la structure fiscale, mais l’ajustement de la base d’imposition en faveur d’autres types de taxes peut augmenter les revenus fiscaux. La lutte contre l’évasion fiscale, l’utilisation de la politique fiscale pour atteindre d’autres objectifs de politique publique et la modernisation des systèmes fiscaux contribueront à renforcer la situation budgétaire de manière durable. Les domaines clés pour les réformes et le renforcement des capacités en soutien à la mobilisation des ressources internes en Afrique incluent :

  • l’application de la TVA au commerce en ligne ;
  • la lutte contre les flux financiers illicites par le biais de mesures de transparence et de lutte contre la délinquance fiscale ;
  • la modernisation des administrations fiscales grâce à la transformation numérique ;
  • l’imposition du secteur informel.

Pour que le programme d’action du cadre inclusif reflète mieux les priorités africaines, il est recommandé que le G7 promeuve les changements suivants :

  • accroître et diversifier la représentation africaine au sein des organes directeurs du Cadre inclusif, du Groupe de pilotage et des groupes de travail en lien avec le BEPS et la Solution reposant sur deux piliers ;
  • renforcer la collaboration avec les partenaires au développement africains, notamment les organisations fiscales régionales, pour mieux comprendre les priorités, les besoins et les difficultés des pays africains et les intégrer dans le programme d’action du cadre inclusif ;
  • consolider et développer les dispositifs actuels visant à favoriser l’engagement et la participation des pays africains au cadre inclusif, tels que la mise à disposition de services d’interprétation et de traduction ainsi que l’organisation de séances d’information et d’ateliers spécifiques.