Tanzanie : la répression post-électorale mise à nu par une enquête de CNN
L’élection présidentielle du 29 octobre en Tanzanie, marquée par la reconduction écrasante de Samia Suluhu Hassan après l’exclusion de ses principaux adversaires, a plongé le pays dans une spirale répressive dont l’ampleur a été mise au jour par une enquête approfondie de CNN. Les images, témoignages et analyses recueillis par la chaîne américaine montrent des policiers et des hommes armés en civil tirant sur des groupes de manifestants majoritairement pacifiques, parfois simplement munis de pierres ou de bâtons.
L’analyse croisée de vidéos géolocalisées, d’expertises sonores et de récits directs révèle des scènes d’une grande brutalité. Des morgues saturées, des corps entassés sur des brancards, des blessés affluant dans les hôpitaux de Dar es Salaam et de Mwanza : les établissements débordés décrivent une situation chaotique. Selon un médecin interrogé anonymement, les victimes arrivaient « jusqu’à ce que la morgue soit pleine », avant d’être déposées à même le sol.
Des preuves techniques et visuelles qui accablent les autorités
Bien qu’elles aient initialement nié tout décès, les autorités ont imposé un couvre-feu et un blackout numérique, interdisant la diffusion d’images susceptibles de « provoquer la panique ». La présidente a fini par reconnaître des victimes, sans en préciser le nombre, tout en affirmant que certains manifestants auraient été payés pour descendre dans la rue.
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Les éléments analysés par CNN, avec le soutien de l’enquêteur open-source Benjamin Strick, montrent des tirs effectués à longue distance par des policiers positionnés en hauteur. Parmi les cas documentés figure celui d’une femme enceinte abattue dans le dos en tentant de fuir, ainsi que celui d’un jeune homme touché en pleine tête alors qu’il ne représentait, selon les vidéos, aucune menace. Une analyse acoustique a estimé les tirs à plus de 100 mètres de la caméra.
Parallèlement, des images satellites et des vidéos issues du cimetière de Kondo, au nord de Dar es Salaam, suggèrent l’existence de fosses fraîchement creusées, corroborant les affirmations de groupes de défense des droits humains faisant état d’inhumations collectives de manifestants tués.
En recoupant preuves visuelles, témoignages et expertise technique, l’enquête de CNN dresse un tableau sombre : celui d’un pays secoué par une répression systémique, bien loin de l’image de stabilité longtemps associée à la Tanzanie.