Les habitants du Delta du Niger traduisent Shell devant la justice

Ce jeudi 13 février est un jour historique pour les deux communautés du Delta du Niger, après dix ans de combat judiciaire contre Shell. La Haute Cour britannique examine jusqu’au 10 mars les accusations de pollution massive imputées au géant pétrolier dans la région d’Ogoni. Soutenus par Amnesty International, les plaignants dénoncent des dégâts environnementaux et sanitaires dévastateurs : terres agricoles et cours d’eau contaminés, privant des milliers de personnes d’accès à l’eau potable, à la pêche et à l’agriculture. Des malformations et décès de nourrissons sont également rapportés.
L’ONU recense 7.000 fuites de pétrole depuis 1958 dans la zone. Une étude du programme des Nations unies pour l’environnement a révélé la présence de benzène dans l’eau contaminée, une substance cancérigène quantifié à un niveau près de 900 fois supérieur aux recommandations de l’OMS. «Cette pollution a détruit des vies et des écosystèmes», insiste Amnesty, soulignant l’urgence d’une reconnaissance juridique, rapporte RFI.
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De son côté, Shell rejette sa responsabilité et parle d’acte de sabotage et du raffinage illégal. Un argument qualifié de «diversion» par Isa Sanusi, directeur d’Amnesty Nigeria. «Le sabotage et ses conséquences sont peu significatifs, comparés à la destruction causée par l’exploitation du pétrole par la compagnie». L’ONG accuse la firme de négligence dans la maintenance de ses infrastructures et de sous-estimer volontairement l’ampleur des fuites.
Ce procès, symbolique pour la responsabilité des multinationales, pourrait créer un précédent en matière de droit environnemental transnational. Les plaignants espèrent non seulement obtenir réparation, mais aussi contraindre Shell à assainir les zones polluées.
Alors que les tribunaux nigérians sont souvent perçus comme favorables aux intérêts pétroliers, le recours à la justice britannique illustre une stratégie juridique internationale. Le verdict, attendu après le 10 mars, sera scruté pour son impact sur l’industrie extractive et les droits des populations affectées.