Côte d’Ivoire : une partie de l’opposition privée de présidentielle

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Côte d’Ivoire : une partie de l'opposition privée de présidentielleL'ancien président Laurent Gbagbo en compagnie de Tidjane Thiam © DR

À moins de cinq mois de la présidentielle ivoirienne prévue le 25 octobre, la publication de la liste électorale définitive par la Commission électorale indépendante fait monter la polémique. L’exclusion de quatre figures de l’opposition ravive les tensions et relance les accusations de dérive autoritaire, dans un climat préélectoral particulièrement tendu.

La Commission électorale indépendante (CEI) de Côte d’Ivoire a publié, le 4 juin, la liste électorale définitive pour la présidentielle du 25 octobre prochain. Cette annonce, loin d’apaiser le climat politique, a confirmé l’exclusion de quatre figures de l’opposition. Il s’agit de Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de l’ancien chef d’État Laurent Gbagbo, de son ex-ministre Charles Blé Goudé, et de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, actuellement en exil. Aucun de ces leaders ne pourra voter ni se présenter, une décision qui suscite de vives critiques et accentue les tensions à l’approche du scrutin.

La radiation de Tidjane Thiam remonte à avril dernier, à la suite d’une décision judiciaire affirmant qu’il n’était pas de nationalité ivoirienne au moment de son inscription sur les listes électorales. De son côté, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, au pouvoir d’octobre 2000 à avril 2011, ne sera dans la course à la présidentielle. Acquitté par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, il a cependant été condamné par contumace en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison pour le braquage de la BCEAO durant la crise post-électorale de 2010-2011. En décembre 2022, la CEI avait déjà refusé son inscription sur les listes électorales. Même s’il a été gracié par le président Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo n’est pas pour autant amnistié, ce qui signifie qu’il reste juridiquement inéligible.

Lire aussi : Côte d’Ivoire : Tidiane Thiam radié de la liste électorale par la justice

Il en va de même pour Charles Blé Goudé, surnommé le « Général de la rue ». Il a été acquitté en 2019 par la Cour pénale internationale, qui l’accusait de crimes liés à la crise ivoirienne de 2010-2011. Toutefois, la même année, la justice ivoirienne l’a condamné à 20 ans de prison pour torture, homicide volontaire et viol, assortis de 10 ans de privation de droits civiques et de 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts.

Quant à Guillaume Soro, l’ancien Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, il vit en exil et demeure sous le coup de plusieurs condamnations judiciaires. Le 31 décembre 2024, il a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2025 lors d’une visioconférence. Ancien chef rebelle devenu allié du président Alassane Ouattara, leur alliance a éclaté en 2019, année où il a été accusé d’avoir fomenté une insurrection. En 2021, il a été condamné à la prison à perpétuité pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Il est toujours visé par un mandat d’arrêt international.

L’opposition réagit

Face à cette situation, la réaction de l’opposition ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué diffusé depuis l’étranger, Tidjane Thiam a dénoncé une « dérive autoritaire » et une atteinte grave à la démocratie. Il a saisi le Comité des droits de l’Homme des Nations unies, accusant les autorités d’avoir orchestré une exclusion « arbitraire et discriminatoire », en contradiction avec les engagements internationaux de la Côte d’Ivoire. Son avocat, Mathias Chichportich, a souligné l’absence de recours effectif et dénoncé une manœuvre politique visant à éliminer le principal opposant du paysage électoral.

 

Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo ne pourra pas participer à la prochaine échéance électorale

Le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo n’a pas tardé à réagir également. Son secrétaire général, Jean-Gervais Tchéidé, a dénoncé un « passage en force » des autorités. Il a estimé que le pouvoir a ignoré les appels au dialogue et à la concertation formulés depuis plusieurs mois. Simone Gbagbo, ex-première dame et candidate autorisée à se présenter, a, elle aussi, exprimé son inquiétude. À la tête d’une coalition de l’opposition, elle a déclaré que « les conditions ne sont pas réunies pour des élections pacifiques », appelant à une reprise des discussions pour éviter une crise politique.

Malgré les tensions, d’autres personnalités de l’opposition restent en lice, notamment Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce, et Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre. Toutefois, plusieurs voix estiment que la compétition s’annonce inéquitable en l’absence des principaux leaders historiques.

La Commission électorale indépendante justifie sa décision

Le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, a justifié la publication de la liste électorale en invoquant des contraintes techniques : selon lui, une révision nécessiterait au minimum six à sept mois, ce qui rendrait impossible la tenue du scrutin à la date prévue. Il a insisté sur le respect des décisions judiciaires et a affirmé que la CEI agissait de manière indépendante, à l’abri de toute influence politique.

Du côté du pouvoir, le président sortant Alassane Ouattara, 83 ans, reste discret quant à ses intentions. Réélu en 2020 avec plus de 80% des voix, il ne s’est pas encore prononcé sur une éventuelle candidature pour un quatrième mandat. Un congrès de son parti, prévu fin juin, pourrait apporter des éclaircissements sur ses ambitions.

Avec une liste électorale arrêtée à 8,7 millions d’électeurs et un contexte politique tendu, la Côte d’Ivoire entre dans une période préélectorale sous haute tension, marquée par la méfiance, les contestations et l’incertitude.

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