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A Marrakech, les pays africains déterminés à abolir la prolifération des armes de destruction massive

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25 pays représentant les différentes régions d’Afrique se sont réunis dans la ville ocre pour participer aux travaux de la conférence politique pour la promotion de l’Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) des armes de destruction massive (ADM), à l’initiative du Maroc et des États-Unis. Plaidant pour une plus grande adhésion africaine à cet effort mondial, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a détaillé les quatre tendances majeures qui devraient façonner le paysage sécuritaire du continent parmi lesquelles l’existence de preuves «fortes» et «irréfutables» d’alliances entre des groupes séparatistes et des organisations de criminalité transnationale. À l’issue de la réunion, cinq pays ont officiellement rejoint la PSI portant à 11 le nombre de pays africains signataires de l’Initiative.

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Les travaux de la réunion politique pour la promotion de l’Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) des armes de destruction massive (ADM) dédiée aux pays africains se sont clôturé ce vendredi 2 février à Marrakech avec l’adoption par acclamation de la déclaration conjointe dite «Déclaration de Marrakech». À l’initiative du Maroc et des États-Unis, la réunion est la première du genre et la plus grande jamais organisée sur le continent. En 2022, les deux pays avaient co-organisé l’atelier PSI à Tanger, démontrant un partenariat et un engagement pour contrer la prolifération des armes (chimiques ou biologiques) de destruction massive, de leurs vecteurs ou de matériels connexes.

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Durant ces trois jours, outre les réunions bilatérales, les participants ont assisté à une démonstration d’exercice de défense chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN) destinée à présenter les opportunités de renforcement des capacités pour les partenaires de l’Initiative. Ils étaient 25 pays africains représentés par leurs ministres ou vice-ministres des Affaires étrangères, chefs militaires, responsables gouvernementaux et experts techniques à avoir répondu présents.

A Marrakech, les pays africains déterminés à lutter contre la prolifération des armes de destruction massive

Photo de famille des participants à la Conférence politique consacrée à l’Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) des armes de destruction massive (ADM) qui s’est ouverte à Marrakech le 31 janvier 2024. © Ministère marocain des Affaires étrangères via Twitter

Déclaration de Marrakech

La Déclaration fait sienne un plan d’action sous l’égide des coprésidents, le Maroc et les États-Unis, articulé autour de trois axes à savoir, l’encouragement des pays africains ayant endossé le PSI à participer aux futures réunions de l’initiative, la promotion de l’organisation d’exercices et d’ateliers de formation et de coopération opérationnelle pour les nouveaux membres africains de la PSI, ainsi que l’action conjointe pour encourager d’autres pays Africains à l’endosser à travers des actions de sensibilisation et la tenue de réunions régionales et sous-régionales.

La Déclaration a, également, réaffirmé que l’un des objectifs de la réunion de Marrakech et de son processus de suivi est de renforcer la coopération Sud-Sud comme cadre permettant aux pays africains de tirer profit des synergies aux niveaux sous-régional et régional.

Rallier plus de pays africains à l’Initiative

La sous-secrétaire au contrôle des armements et à la sécurité internationale du Département d’État des États-Unis, Bonnie Jenkins, s’est dite satisfaite quant à la participation active de nombreux pays du continent à la PSI. Dans son allocution d’ouverture, la diplomate américaine a, de plus, exhorté les gouvernements qui n’ont pas encore adhéré à se joindre à l’initiative dès que possible. «Prévenir le trafic d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs est d’une importance capitale pour la préservation de la paix et de la sécurité dans le monde», a-t-elle plaidé.

Et à l’issue de la Conférence, cinq pays africains ont officiellement annoncé leur adhésion à l’Initiative. Il s’agit de la Zambie, du Ghana, du Togo, de la Guinée Équatoriale et du Bénin. Le Malawi, la Guinée-Bissau, la Gambie, le Nigeria ont exprimé leur volonté leur emboîter le pas très prochainement.

La PSI, un cadre de coopération multilatérale pour la lutte contre les transports illicites des armes de destruction massive

Lancée le 31 mai 2003, l’Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) est un effort mondial durable visant à mettre fin au trafic d’armes de destruction massive, de leurs vecteurs et de matériels connexes vers et depuis les États et les acteurs non étatiques préoccupants en matière de prolifération. L’initiative comptait jusqu’aujourd’hui 107 pays. Seuls six pays africains en faisaient partie avant la réunion de Marrakech. L’Angola, Djibouti, le Libéria, la Libye, le Maroc et la Tunisie ont été rejoint ce 2 février par cinq autres pays africains. Quatre autres devraient adhérer très prochainement.

Initialement, le PSI comprenait 11 États «centraux» (Australie, France, Allemagne, Japon, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Royaume-Uni, États-Unis et Pologne). Le 4 septembre 2003, à Paris, ces pays ont détaillé les principes régissant le PSI dans un document intitulé «Déclaration des principes d’interdiction». Le PSI vise à créer des alliances entre les États pour coopérer et utiliser leurs ressources nationales afin de créer divers instruments juridiques, diplomatiques et militaires pour empêcher l’acheminement de cargaisons dangereuses par route, air et mer. Son objectif est d’abord préventif.

A Marrakech, les pays africains déterminés à lutter contre la prolifération des armes de destruction massive

Carte du monde représentant les États signataires de l’Initiative de sécurité contre la prolifération. © Proliferation security Initiative (PSI)

Cette action préventive comprend l’arrestation et la fouille des navires et des aéronefs dès qu’ils entrent dans les eaux territoriales ou dans l’espace aérien national des membres du PSI ; refuser le droit de survol d’un aéronef suspect ; immobiliser les avions lorsqu’ils s’arrêtent pour faire le plein dans les pays membres ou dans les États disposés à coopérer au cas par cas ; et l’arraisonnement et la fouille de navires enregistrés dans un pays membre de la PSI ou opérant sous un pavillon de complaisance d’un autre État prêt à autoriser une interdiction dans un cas particulier.

Pour le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, la réunion de Marrakech est une excellente opportunité pour renforcer l’appropriation de la PSI par les États africains, à travers la mise en œuvre de trois actions prioritaires :

  • reconnaître que l’environnement sécuritaire africain n’est pas isolé du contexte sécuritaire mondial ;
  • renforcer les synergies par des efforts nationaux, à travers l’organisation d’ateliers et d’exercices opérationnels menés par des militaires africains et des experts civils ;
  • s’assurer que la voix des États africains soit entendue au sein de la PSI, en identifiant et partageant les «leçons africaines» tirées des bonnes pratiques au sein des forums proposés par l’initiative. En effet, dans le cadre du PSI, seuls 20 États forment le Groupe d’experts opérationnels (OEG).

Mais «la présence grandissante de l’Afrique au sein de la PSI est un signe encourageant», s’est félicité, le chef de la diplomatie marocaine, appelant à capitaliser sur cet élan pour faire de ce mécanisme une véritable plateforme d’action pour et par les États africains. Avec 6 pays africains signataires de l’Initiative – l’Angola, Djibouti, le Libéria, la Libye, le Maroc et la Tunisie –, cette réunion vise à encourager les États du continent à soutenir l’effort mondial. Car, comme le précise Nasser Bourita, le principal avantage de ce programme de coopération internationale est «son caractère flexible, opérationnel et orienté vers les résultats».


Quatre tendances majeures liées à l’avenir de la sécurité dans le continent

Motivée par l’engagement fort de ces derniers à participer aux efforts mondiaux visant à lutter contre la prolifération des ADM, «la réunion de la PSI à Marrakech est aussi dictée par les changements profonds survenus dans le contexte sécuritaire africain», a-t-il affirmé dans son allocution. Le diplomate a poursuivi son discours en attirant l’attention des participants sur les tendances qui devraient façonner l’avenir du domaine sécuritaire en Afrique et par conséquent la réponse collective à ces défis.

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En premier lieu, le ministre a noté le développement du commerce entre l’Afrique et le monde, d’une part, et du commerce intra-africain dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), de l’autre. Bien que le continent ne contribue qu’à hauteur de 2,7% au commerce mondial, sa part dans le commerce maritime mondial s’élève à 7%, avec un littoral s’étendant sur 30.000 km, ce qui en fait une principale source de vulnérabilité aux menaces liées à la prolifération, a-t-il expliqué.

Pour le ministre, le deuxième constat concerne l’existence de preuves «fortes» et «irréfutables» de l’établissement d’alliances durables entre des groupes terroristes et séparatistes et des organisations de criminalité transnationale.

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Le troisième, a-t-il poursuivi, a trait au manque de coopération régionale et sous-régionale qui continue à plomber la capacité du continent à faire face aux menaces à la sécurité transnationale, en l’absence d’une véritable volonté politique pour changer cet état de fait.

Le ministre a évoqué, en dernier lieu, l’existence d’«acteurs externes» qui continuent de perturber l’environnement sécuritaire du continent en fournissant à leurs proxys des technologies et un savoir-faire peu coûteux et dévastateurs.

L’ensemble de ces tendances crée les conditions à même de favoriser la prolifération des ADM, dans un contexte marqué par des frontières poreuses, des lacunes de coordination, la faiblesse de l’arsenal juridique et réglementaire et des insuffisances en termes de capacités nationales, a-t-il conclu.

Le Royaume, «un exemple de renforcement de la coopération entre pays africains»

Le directeur des Nations Unies et des Organisations internationales au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Redouane Houssaini, a souligné que le Maroc a développé une expérience et une expertise significatives dans la lutte contre la prolifération des ADM. De son côté, la sous-secrétaire américaine a salué le leadership et le partenariat «inestimables» du Maroc sur les questions de sécurité régionale et internationale, soulignant «l’approche visionnaire» du roi Mohammed VI en Afrique.

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L’expérience marocaine a, en effet, démontré la pertinence de la PSI en matière de coordination interministérielle pour faire face à ce défi. «Le Maroc est un exemple éloquent de renforcement de la coopération entre les pays africains», a déclaré Redouane Houssaïni, soulignant la volonté du Royaume de coopérer dans ce domaine avec les pays du continent dans le cadre de la coopération tripartite (États-Unis-Maroc-pays africains).

De la non-prolifération et du désarmement nucléaires aux normes de comportement responsable dans les technologies émergentes, en passant par la sécurité régionale, le leadership et la coopération du Maroc sont inestimables.

— Bonnie Jenkins, sous-secrétaire au contrôle des armements et à la sécurité internationale du Département d’État des États-Unis.

Nasser Bourita a affirmé que, conformément à la vision éclairée du Souverain, le Maroc a toujours défendu la coopération multilatérale comme cadre le plus approprié pour coordonner les efforts internationaux de lutte contre les ADM. Depuis 2008, l’engagement ferme du Royaume dans ce domaine se manifeste à travers son adhésion aux conventions internationales sur le désarmement et la non-prolifération, a ajouté le ministre. Et de poursuivre que le Maroc entend poursuivre son partenariat fécond avec les États-Unis et les pays africains pour ériger la PSI en partie intégrante du paysage sécuritaire africain.