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Tunisie : une année scolaire blanche à l’horizon ?

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Alors que l’année scolaire touche à sa fin, rien ne semble infléchir la volonté des syndicats des enseignants d’aller jusqu’au bout de leur mouvement pour obtenir toutes leurs revendications. Les enseignants continuent à retenir les notes des examens des premier et deuxième trimestres, en réponse à l’appel des Fédérations de l’enseignement secondaire et de base, en dépit des cris de détresse lancés par les parents et l’association des parents d’élèves.

Le ministère tunisien de l’Éducation a adressé, ce lundi, un avis aux enseignants du cycle de base et du secondaire, leur intimant de délivrer les notes aux administrations des établissements où ils exercent, dans les plus brefs délais, sous peine d’exercer à leur encontre les mesures qui s’imposent, entre autres les mesures administratives relatives au versement de leur traitement suivant le travail accompli. En d’autres termes, les autorités tunisiennes ont brandi la menace de retenir les salaires des enseignants récalcitrants.

La tutelle assure dans le même avis avoir honoré ses engagements concernant toutes les revendications des syndicalistes, et qu’il reste quelques détails à régler concernant les dernières revendications en date.
Le ministère assure qu’il a entrepris cette démarche pour sauver l’année scolaire, et a tenu à rassurer les parents d’élèves, ainsi que les professionnels sur son bon déroulement.

Un dialogue de sourd

Mais la crise perdure entre les syndicats et la tutelle. Les rounds de dialogue successifs, qui ont réuni le ministère tunisien de l’Éducation et la fédération générale de l’enseignement secondaire, se sont transformés, par la force des choses, en un dialogue de sourds.

Car en effet, les points de désaccords paraissent insolubles. Ils concernent l’effet financier rétroactif des promotions professionnelles (2022-2023), ainsi que la revalorisation de la prime de rentrée scolaire et son effet financier rétroactif pour les années 2020-2021-2022.

La Fédération générale de l’enseignement secondaire attend, également, la publication des textes de loi qui devraient permettre l’application des clauses de l’accord du 9 février et une clarification du processus de régularisation des enseignants en situation « précaire ».

Dans ce bras de fer, les positions sont inconciliables et un compromis, qui permettrait de mettre un terme au mouvement de rétention des notes entamé depuis le premier trimestre, demeure improbable. Plus que jamais le spectre d’une année blanche dans le secteur de l’éducation nationale en Tunisie hante les esprits, suscite craintes, mécontentement et parfois même un certain sentiment de résignation.

Le département de tutelle est dans l’impossibilité de répondre aux exigences salariales des syndicats, jugées excessives et peu réalistes. En effet, pour le gouvernement, le fait de céder à ces pressions l’expose à des défis insoutenables pouvant susciter une explosion sociale dans d’autres secteurs d’activités.

Kaïs Saïed, impuissant

Vraisemblablement, les chances de résoudre cette crise profonde semblent infimes. L’intervention personnelle du président de la République même n’a pas pu débloquer la situation.

Le chef de l’État tunisien, Kaïs Saïed, mû d’une bonne intention, a écarté le ministre de l’Éducation avec lequel les syndicalistes s’entendaient mal. Il a nommé à sa place un ex-dirigeant à la centrale syndicale, Mohamed Ali Boughdiri, qui n’a pu et su trouver une piste de sortie honorable et ce, malgré la multiplication de ses annonces rassurantes.

Manifestement dans le contexte difficile que traverse le pays, secoué par une grave crise des finances publiques et des négociations à rebondissements avec le FMI, le volet financier a été la pierre d’achoppement.

Des élèves en otage

Cette situation inextricable n’a pas fini d’exaspérer, d’accroître les souffrances et la colère des élèves et de leurs familles qui ne savent plus jusqu’à quand va durer ce feuilleton qui assène un coup de butoir au système éducatif, en général, et à l’école publique en particulier. Les élèves et, surtout, leurs parents, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils n’ont, toujours, pas la moindre idée des notes de leurs enfants durant toute cette année.

Et avec la fin de l’année qui se pointe, et le maintien du blocage des notes, les écoles se dirigent vers une situation inédite, qui est celle de devoir choisir entre une année blanche, ou la décision de faire réussir tout le monde, sans revenir aux notes. Dans les deux cas de figure, la décision va avoir de très lourdes conséquences.

D’ores et déjà, des parents d’élèves ont chargé un collectif d’avocats de porter plainte contre les syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire, pour annuler la décision qu’ils avaient prise de retenir les notes des élèves pour le premier et second trimestre.

En même temps, le président de l’association tunisienne des parents et des élèves (ATUPE), Ridha Zahrouni, a appelé le président de la République à intervenir afin de résoudre la crise de l’enseignement public et mettre fin à la décision de rétention des notes des examens des deux premiers trimestres.

Face à l’impuissance des pouvoirs publics, les actions menées par le milieu associatif et les parents arriveront-elles à sauver l’année scolaire d’un véritable désastre ? Les prochains jours seront décisifs et le jusqu’au boutisme des syndicats risque de s’étioler face à la colère qui gronde dans la société et qui a gravement altéré l’image des syndicats de l’éducation qui, pour parvenir à leurs fins, prennent les élèves et leur avenir en otage.

Avec MAP