Soudan : l’UNICEF alerte sur une crise humanitaire devenue « intenable »
L’UNICEF tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Sans une hausse urgente de l’aide humanitaire et le rétablissement immédiat de l’accès aux populations, la situation déjà catastrophique au nord du Darfour et dans les États du Kordofan risque de devenir « intenable », prévient l’agence onusienne dans son dernier rapport. Sur fond de combats, de famine confirmée et d’effondrement total des services essentiels, des centaines de milliers d’enfants et de familles sont désormais pris au piège.
Des couloirs humanitaires urgents pour des civils assiégés
Selon l’UNICEF, l’ouverture et la sécurisation de couloirs humanitaires sont désormais une priorité absolue. L’aide vitale ne parvient plus aux populations encerclées à El Fasher, Kadugli et Dilling, ni aux familles déplacées qui affluent chaque jour dans le nord du Darfour et le Kordofan.
« Une forte présence des agences des Nations Unies dans le nord du Darfour est essentielle pour faciliter et surveiller l’accès », insiste l’organisation.
Au-delà du rétablissement des accès, l’agence réclame la protection des travailleurs humanitaires, souvent ciblés par la violence ou victimes d’intimidations. Les obstacles bureaucratiques et sécuritaires entravent également l’acheminement de l’aide, rallongeant des délais déjà insoutenables pour des populations au bord de la survie.
La prise de contrôle d’El Fasher, le 26 octobre 2025, par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), a fait basculer la région dans une nouvelle spirale de violence. Depuis cette date, plus de 147.000 personnes ont été déplacées, dont 106.000 ayant fui la capitale du Darfour du Nord.
Sur place, les conséquences sont dramatiques : marchés effondrés, routes coupées, carburant et médicaments introuvables, et nourriture devenue rationnée voire inexistante. « La famine est désormais confirmée à El Fasher et Kadugli, et des conditions similaires sont signalées à Dilling », avertit l’UNICEF. Les épidémies de choléra, qui se propagent dans les camps, constituent une menace supplémentaire pour des enfants dont la santé est déjà gravement fragilisée.
Une évaluation conjointe menée en novembre dernier confirme l’ampleur de la crise : sur 715 enfants examinés, 199 souffrent de malnutrition aiguë sévère, et 215 de malnutrition aiguë modérée. « Les familles bloquées le long des routes sont confrontées à la faim, à l’insécurité et à des détentions liées à des demandes de rançon », décrit encore l’agence.
Soudan : au cœur d’une tragédie qui s’étend, les civils abandonnés au chaos
Déplacements massifs, épidémies et familles livrées à elles-mêmes
Alors que les combats se rapprochent dangereusement des zones peuplées, de nouvelles vagues de déplacés se forment chaque jour. Tawila, au Darfour, s’apparente désormais à un campement tentaculaire où affluent des centaines de familles cherchant un refuge précaire, ou des proches disparus dans le chaos.
Les systèmes de santé étant totalement effondrés, les épidémies de choléra et de rougeole gagnent du terrain. Les réseaux d’eau étant endommagés, l’accès à une eau potable sécurisée devient un défi quotidien pour des milliers de personnes déjà affaiblies par la faim.
Au Kordofan du Sud, la situation n’est guère meilleure. Les violences autour de Dilling, Kadugli et des localités voisines ont piégé des milliers de civils. Beaucoup se réfugient dans les zones montagneuses, avec très peu de moyens de subsistance. Une famine est confirmée à Kadugli, tandis qu’à Dilling les hôpitaux ont seulement rouvert partiellement après une fermeture temporaire.
Les routes permettant de fuir vers le Kordofan occidental ou vers le Soudan du Sud sont devenues extrêmement dangereuses. Ceux qui parviennent à les emprunter arrivent dans un état alarmant. « Les enfants présentent des niveaux élevés de malnutrition et de maladie », souligne l’UNICEF.
Les quelques fournitures prépositionnées par l’agence en octobre ont permis un soutien minimal, mais restent très insuffisantes face à l’ampleur des besoins.
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L’UNICEF renforce ses opérations mais demande un accès sécurisé
Face à la situation, l’UNICEF a renforcé ses interventions d’urgence au Darfour et au Kordofan : soins de santé d’urgence, dépistage et traitement nutritionnel, fourniture d’eau potable, assainissement, soutien à l’éducation, protection de l’enfance et contrôle des épidémies.
Cependant, pour intensifier son action dans les zones les plus touchées, aujourd’hui inaccessibles, l’agence a besoin de garanties de sécurité. « L’UNICEF se dit prêt à intensifier ses opérations dès que les conditions le permettront », rappelle le rapport.
Sans une action internationale résolue, avertit l’agence, le Soudan s’enfoncera davantage dans une catastrophe humanitaire d’ampleur historique, où les enfants, les familles et les civils paieront le prix le plus lourd.