Sénégal : la loi d’interprétation de l’amnistie adoptée à 126 voix

La loi d’interprétation de l’amnistie a été adoptée à 126 voix après plus de 8 heures de débats, durant lesquelles des députés du Pastef se sont succédé à la tribune de l’Assemblée nationale sénégalaise pour souligner l’importance de rendre justice aux victimes des manifestations de l’opposition au cours des trois dernières années. Pour eux, compléter la loi d’amnistie en excluant les cas d’assassinats, de meurtres, de tortures et de traitement inhumains était la seule façon de lutter contre l’impunité.
« Que ça ne se reproduise plus. C’est ça qui se joue aujourd’hui », déclare le chef du groupe parlementaire du Pastef, Ayib Daffe. Il ajoute : « cette interprétation permet d’apporter la lumière sur des faits particulièrement graves et permet aussi de rendre justice à ces victimes. Car on parle de plus de 85 morts, un bilan qui n’est d’ailleurs pas définitif puisqu’il n’y a jamais eu d’enquêtes ».
L’opposition dénonce une justice partielle
Désormais, des enquêtes pourront être ouvertes. Cependant, les députés de l’opposition ont dénoncé « une justice du vainqueur ou un deux poids, deux mesures », estimant que les personnes ayant commis des dégâts matériels ou incendié des bus resteront bénéficiaires de l’amnistie.
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Dans ce sens, ils accusent le parti au pouvoir, qui était à l’époque dans l’opposition, de vouloir protéger ses militants et les dirigeants actuels. « Ce qui est inacceptable, c’est d’essayer, au nom d’une graduation dans la douleur, de ne pas respecter la douleur et la souffrance des uns parce qu’il ne s’agit pas de crime de sang. Qui veulent-ils couvrir ? Celui qui a appelé les gens à manifester », tance le député de l’opposition, Thierno Alassane Sall.
Cependant, Aminata, militante du Pastef et sénégalaise vivant en France, venue assister au débat à l’Assemblée, comme une centaine d’autres personnes, n’est pas d’accord. Pour elle, personne n’est ciblé et la priorité est de juger les crimes et tous les auteurs. « On veut tout simplement que justice soit faite. Résoudre cette fracture, c’est ce qu’on est en train de faire. Une fois que justice sera faite, les gens seront capables de pardonner, mais tant qu’il n’y a pas de justice, il n’y a pas de pardon », avance-t-elle. Dans l’immédiat, les plaintes de 65 familles de personnes tuées et celle d’une personne mutilée pourront être déposée devant la justice.