Les Etats-Unis haussent le ton face aux violences dans l’Est de la RDC

Ces derniers jours, les alertes se sont multipliées. Le Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International ont dénoncé de graves violations : viols, meurtres, attaques ciblées contre des civils. Face à ces accusations, les États-Unis — artisans de l’accord de paix du 27 juin entre Kinshasa et Kigali et parrains du dialogue mené par le Qatar — réclament la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU.
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Dans un communiqué, le Bureau des affaires africaines du département d’État a dénoncé les « horribles exactions commises contre les civils », en accusant directement l’Alliance des forces du changement (AFC/M23). Washington a souligné que « ceux qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité » devront rendre des comptes. Bien que le texte ne cite pas explicitement d’autres acteurs, il laisse entendre que plusieurs groupes armés sont également impliqués.
Des affrontements meurtriers malgré l’accord de Doha
Ces dénonciations interviennent alors que les combats se poursuivent dans le Kivu, notamment au Nord et au Sud. Depuis le 18 août, de violents affrontements opposent l’armée congolaise (FARDC), appuyée par les milices Wazalendo, aux rebelles de l’AFC/M23 alliés aux Twirwaneho. Dans les villages de Kalungu et Kageregere, les forces gouvernementales ont repoussé des tentatives d’infiltration rebelles.
Plus au nord, dans le territoire de Rutshuru, le M23 a affronté les combattants hutus des FDLR, alliés aux Wazalendo. Ces affrontements, survenus notamment dans la zone de Kahumiro, au cœur du parc national des Virunga, ont semé la panique à Kibirizi, où les détonations d’armes lourdes ont plongé la population dans un climat de psychose.
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L’armée congolaise dénonce des provocations répétées et promet de prendre des « mesures fermes » en réponse. De son côté, l’AFC/M23 accuse Kinshasa d’avoir renforcé ses positions militaires et d’avoir même utilisé des drones kamikazes, en violation du cessez-le-feu prévu par la Déclaration de principes signée à Doha.
Washington impatient, les sanctions s’accumulent
La crispation américaine est manifeste. Le 15 août, Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique au département d’État, avait déjà exprimé son inquiétude face à la recrudescence des violences. Quelques jours plus tôt, le Trésor américain avait sanctionné cinq entités accusées de contrebande et d’exploitation illégale de minerais dans la zone stratégique de Rubaya.
Cette succession de prises de position reflète l’agacement croissant de Washington, qui constate l’échec de ses efforts diplomatiques sur le terrain. Les États-Unis comptent désormais sur la réunion du Conseil de sécurité pour rallier d’autres partenaires et renforcer la pression internationale.
Des voix divergentes sur la scène congolaise
La visite à Kinshasa du ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a mis en évidence des divergences de perception. Reçu par Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, le diplomate a essuyé des critiques directes sur la faiblesse des accords. Selon Kamerhe, les négociations menées par Washington et Doha demeurent “partielles”, car elles excluent certains acteurs clés de la crise.
Pour lui, seule une approche globale, intégrant l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies, permettrait de créer une dynamique plus solide. « Nous avons tous constaté que cela n’a pas changé grand-chose sur le terrain », a-t-il reconnu, appelant à élargir le cercle des garants afin d’accentuer la pression sur Kigali.
À l’inverse, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix et figure emblématique de la lutte contre les violences sexuelles en RDC, rejette catégoriquement ces initiatives internationales. Selon lui, les cessez-le-feu signés sous l’égide de Washington et de Doha ne sont que des « illusions ». Il estime qu’en l’absence de mécanismes contraignants et de garanties effectives, ces accords ne sont que des « papiers sans valeur ».
Au-delà des divergences politiques, la situation sur le terrain reste alarmante : les combats se poursuivent, les populations civiles restent prises entre plusieurs fronts, et les promesses de paix tardent à se concrétiser. Les États-Unis, qui ont investi leur crédibilité diplomatique dans cette médiation, semblent désormais vouloir passer la main à une coalition plus large, incluant d’autres institutions multilatérales.
Cependant, tant que les acteurs locaux et régionaux poursuivront leurs logiques de confrontation, l’impasse risque de perdurer. L’est de la RDC demeure ainsi le théâtre d’un conflit où chaque tentative de règlement politique se heurte à des intérêts armés et économiques profondément enracinés.