« Insulte »

« Même après cent ans sous l’eau, un arbre ne deviendra jamais un crocodile ». Ce proverbe populaire ivoirien résume un peu la manière dont se conduisent les juntes au pouvoir actuellement en Afrique de l’Ouest. La grâce scandaleuse et incompréhensible accordée au capitaine Moussa Dadis Camara, responsable de crimes odieux contre les manifestants au stade du 28 septembre en 2009 à Conakry, dont des viols de centaines de femmes, est une insulte aux victimes et à la mémoire de ceux qui sont tombés sous les balles de la garde présidentielle. Le plus choquant est que cette grâce intervienne avant le jugement en appel.
Par sa décision, le chef de la junte de Conakry au pouvoir depuis 2021, le général Mamadi Doumbouya, a fait un bras d’honneur aux Guinéens et à la justice de son pays. En tant que chef de l’État, il est censé être le garant du bon fonctionnement des institutions. Or, c’est tout le contraire qu’envoie son message. À tous les Guinéens, le Général-président signifie surtout qu’il se moque de l’émotion que sa décision cynique a provoquée dans l’opinion et auprès des familles des victimes. Et gare à celui qui ose la contester, car il risque d’être enlevé par les barbouzes de la Sécurité militaire. De nombreux militants de la société civile ont déjà disparu.
En graciant le capitaine Moussa Dadis Camara de sinistre mémoire, le Général Mamadi Doumbouya joue avec l’intelligence des Guinéens. C’est le diagnostic d’un opposant, et sans doute celui de très nombreux de ses compatriotes.