AFIS 2025 : vers une finance autonome ?

S’inspirer des meilleures pratiques pour tracer une voie qui rassemble tous les acteurs dans un continent où trouver un financement reste un défi : c’est l’ambition portée par l’Africa Financial Summit (AFIS). Animée par la conviction que sans un secteur financier inclusif, il ne peut y avoir de développement économique durable, l’initiative met en avant la souveraineté financière comme l’un des grands enjeux de l’Afrique. Face au désengagement progressif de plusieurs groupes financiers internationaux, le continent doit désormais compter sur ses propres ressources pour financer ses besoins colossaux en infrastructures, en assurance et en inclusion financière, a souligné le secrétaire général de l’AFIS.
C’est un secret de Polichinelle : les besoins annuels de financement en Afrique se comptent en centaines de milliards de dollars. Mais la dépendance aux capitaux extérieurs fragilise structurellement les économies africaines. La mobilisation du capital local apparaît dès lors comme une condition essentielle pour bâtir une autonomie durable.
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Les fonds de pension, compagnies d’assurance, caisses de retraite et marchés de capitaux constituent un gisement considérable, encore largement sous-exploité. Pourtant, le taux de pénétration de l’assurance ne dépasse pas 3 % en moyenne sur le continent. À l’inverse, le Maroc et l’Afrique du Sud démontrent qu’une couverture plus étendue contribue directement au renforcement de la résilience économique et sociale, a-t-il souligné.
Des initiatives pour libérer le potentiel local
Plusieurs initiatives sont déjà en cours pour capter et orienter l’épargne domestique. L’interconnexion des bourses africaines vise à renforcer la liquidité et à élargir les opportunités d’investissement. Le système panafricain de paiements (PAPSS) ambitionne de réduire la dépendance au dollar et de faciliter les transactions intra-africaines. Parallèlement, de nouveaux produits d’épargne collective émergent afin de canaliser l’investissement privé et institutionnel.
La force de l’événement réside dans la qualité de ses intervenants. Pour l’édition 2025, plusieurs gouverneurs de banques centrales prendront la parole, notamment de l’Angola et de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). Leurs expériences respectives fourniront des enseignements précieux aux décideurs africains.
Cette édition accueillera également de grands groupes financiers, tels que des banques panafricaines, des assureurs et des gestionnaires d’actifs. Aux côtés de ces acteurs, des responsables de Trésors publics viendront nourrir les échanges, notamment autour du financement souverain et de la soutenabilité de la dette.
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Le Forum sera aussi l’occasion de rappeler que la finance africaine ne se limite pas aux banques ni aux marchés de capitaux. Elle se réinvente pour répondre aux besoins concrets des populations et aux défis structurels du continent.
Les petites et moyennes entreprises (PME), véritables moteurs de l’emploi, sont au cœur des priorités. Leur accès au financement reste limité, mais les initiatives se multiplient pour combler ce manque. Le secteur agricole, qui mobilise près de la moitié de la population active africaine, profite lui aussi de solutions innovantes. Au Maroc, la start-up SAUWIT déploie par exemple drones et imagerie satellite afin d’améliorer la productivité agricole et d’offrir aux exploitants les garanties nécessaires pour obtenir des crédits.
La finance durable gagne aussi du terrain. De plus en plus de pays africains élaborent des stratégies nationales axées sur la transition climatique, l’économie verte et l’inclusion sociale. L’enjeu est clair : orienter les capitaux vers des projets alliant rentabilité et impact positif. Pour un continent fortement exposé au changement climatique, cet effort est une condition essentielle de son avenir.
Casablanca, une place financière en pleine affirmation
Le choix du Royaume du Maroc, et plus particulièrement de la ville de Casablanca, n’est pas anodin. C’est en effet la deuxième fois consécutive que la capitale économique du pays accueille cette prestigieuse rencontre. La métropole marocaine s’impose de plus en plus comme une plateforme incontournable de dialogue et d’innovation dans le secteur financier africain, a expliqué le directeur de la Bourse de Casablanca, Tarik Senhaji.
Il convient de souligner que la Bourse de Casablanca, deuxième du continent en capitalisation, poursuit un processus de modernisation visant à renforcer son attractivité. Les grandes banques marocaines, de leur côté, accélèrent leur expansion en Afrique subsaharienne, confirmant leur rôle d’acteurs régionaux majeurs. Cette présence repose sur une expertise solide acquise dans le financement de grands projets d’infrastructures au Maroc, tels que les ports, les autoroutes ou les énergies renouvelables.
Les autorités marocaines ne sont pas en reste. Le Trésor et le ministère de l’Économie et des Finances soutiennent activement les projets d’intégration régionale, en s’appuyant sur trois axes stratégiques : inclusion financière, digitalisation et finance durable. L’édition 2024 de l’AFIS avait déjà rassemblé plus de 1 200 participants de haut niveau, dont des ministres, des gouverneurs de banques centrales et des dirigeants d’institutions internationales. L’édition 2025 vise à aller encore plus loin en affirmant Casablanca comme hub de la souveraineté financière africaine.
L’édition 2025 ne se limitera pas à un simple forum. Elle se veut un espace stratégique de réflexion et d’action, réunissant responsables politiques, banquiers, investisseurs et entrepreneurs autour d’une même ambition : construire une finance africaine intégrée, résiliente et inclusive.