Tarifs douaniers de Trump : les économies africaines sous pression

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Tensions commerciales Chine-USA : escalade tarifaire et rebond inattendu des marchésLe président Donald Trump présente les nouveaux tarifs douaniers appliqués par les États-Unis à différents pays du monde entier, le 2 avril 2025 à la Maison Blanche © Mark Schiefelbein, AP

Les réactions s’enchaînent depuis l’annonce fracassante de Donald Trump sur l’instauration de nouveaux tarifs douaniers par les États-Unis. Si la Chine et l’Union européenne sont en première ligne, plusieurs pays africains se retrouvent également visés, avec des taux qui varient selon leur poids commercial. Le Lesotho, grand exportateur de textile, est le plus touché avec une taxe de 50% (le deuxième taux le plus élevé de tous les pays du monde après la Chine. Il est suivi par l’Afrique du Sud (30%), la Côte d’Ivoire (21%), le Nigeria (14%) ou encore la République démocratique du Congo (11%). Le Kenya, le Ghana, l’Éthiopie, la Tanzanie, l’Ouganda, le Sénégal et le Liberia figurent, quant à eux, parmi les pays dont les exportations vers les États-Unis seront soumises à des droits de douane de base de 10%.

Dès le 5 avril, un tarif douanier plancher de 10% entrera en vigueur sur toutes les importations. Une deuxième vague de droits, dits « réciproques », sera appliquée à partir du 9 avril, visant spécifiquement les pays considérés comme ayant un déséquilibre commercial avec les États-Unis.

Le Lesotho risque gros

Le Lesotho, petit royaume d’Afrique australe, est particulièrement vulnérable face aux nouveaux droits de douane imposés par les États-Unis. Deuxième partenaire commercial du pays après l’Afrique du Sud, les États-Unis ont représenté environ 28% de ses échanges commerciaux en 2022 et plus de 10% de son économie totale. Grâce à l’AGOA, le Lesotho a pu exporter en 2024 pour 237 millions de dollars de vêtements et de textiles vers le marché américain, notamment des jeans pour des marques comme Levi’s ou Wrangler. Cette manne est aujourd’hui menacée, d’autant que le pays est le plus lourdement touché du continent, avec 50% de droits de douane exigés. La situation est d’autant plus délicate que de nombreuses usines locales sont détenues par des investisseurs chinois et taïwanais, ce qui pourrait complexifier davantage les relations commerciales dans ce secteur déjà fragilisé.

Inquiétude pour la Côte d’Ivoire

En Afrique, les inquiétudes montent notamment en Côte d’Ivoire. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, fortement dépendant de ses exportations de cacao, de caoutchouc et de pétrole, voit ses produits frappés par une taxe de 21%. De quoi affaiblir leur compétitivité sur le marché américain.

Pour l’entrepreneur ivoirien Stanislas Zézé, la réponse doit être structurelle : « Il va falloir s’organiser. La transformation des matières premières n’est plus une option stratégique, mais une question de survie. Les pays africains doivent créer un marché local et régional autour de produits comme le cacao », explique-t-il. Il appelle par ailleurs à des investissements massifs dans la recherche et le développement.

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Coup dur pour l’économie sud-africaine

Les nouveaux droits de douane annoncés par Donald Trump frappent durement l’Afrique du Sud, avec une taxe de 30% sur ses exportations vers les États-Unis. Cette décision menace directement des secteurs clés comme l’industrie automobile, l’acier et l’agriculture, alors que les États-Unis représentent le deuxième marché pour les exportateurs sud-africains. Le gouvernement redoute des conséquences importantes sur l’emploi et la croissance.

Cette mesure remet également en cause l’AGOA, l’accord commercial qui permettait à plusieurs pays africains, dont l’Afrique du Sud, d’exporter sans droits de douane vers les États-Unis. En pleine présidence tournante du G20, Pretoria dénonce une décision unilatérale qui affaiblit le commerce mondial et appelle à une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour renforcer la transparence et l’équité.

Face à cette nouvelle donne, le gouvernement sud-africain demande des clarifications à Washington et plaide pour la conclusion d’un nouvel accord bilatéral. Les autorités insistent sur la nécessité de construire un système commercial multilatéral fondé sur des règles communes, afin de protéger à la fois les économies en développement et les partenaires commerciaux traditionnels.

La RDC face au dilemme de la dépendance minière

La République démocratique du Congo, qui dispose d’immenses réserves de minerais stratégiques comme le cobalt, le coltan, le lithium ou encore l’uranium, est, elle aussi, concernée. Malgré son statut d’éligibilité à l’AGOA, la RDC devra composer avec une taxe de 11% sur certaines de ses exportations.

L’AGOA menacé ?

L’instauration de ces nouveaux tarifs remet sur la table l’avenir de l’AGOA, qui arrive à échéance cette année. L’accord est pourtant crucial pour plusieurs économies africaines : l’Afrique du Sud, par exemple, a exporté pour 3,6 milliards de dollars de biens (hors pétrole) en 2023 dans le cadre de l’AGOA. Or, le président Trump s’est montré à plusieurs reprises critique de cet accord.

Pour Modibo Mao Makalou, les conséquences de cette politique protectionniste vont bien au-delà de l’Afrique. « Ce sont des mesures qui vont restreindre les échanges, augmenter les prix des biens et des services. À moins qu’un nouveau processus de négociation multilatérale ne soit mis en place », indique-t-il.

D’ici là, les incertitudes demeurent. Et pour les économies africaines, l’heure est à la réorganisation et à l’indépendance.

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