Sénégal : les dessous d’un remaniement

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Sénégal : les dessous d'un remaniementLe Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko. © DR

Dix-sept mois après son élection, le président Bassirou Diomaye Faye a procédé à son premier remaniement ministériel, marqué par des changements dans des postes stratégiques tels que la Justice et l’Intérieur. Présenté comme un « gouvernement de combat », ce nouvel exécutif suscite néanmoins de vives critiques de l’opposition, qui y voit une tentative de mainmise sur la justice et un manque de réponses concrètes aux défis du pays.

C’était dans l’air du temps : depuis plusieurs mois, les Sénégalais s’attendaient à un remaniement ministériel. Pour certains, le gouvernement devait enfin honorer les engagements qu’il avait pris. Et, pour ce faire, un remaniement était inévitable, notamment dans des postes stratégiques tels que les ministères de la Justice et de l’Intérieur.

Il faut noter qu’au-delà des aspects économiques, le parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) s’était engagé à rendre justice aux dizaines de morts une fois arrivé au pouvoir. Sans oublier qu’il y a quelques semaines, le Premier ministre Ousmane Sonko avait fait une déclaration dans laquelle il demandait au président de le laisser gouverner.

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C’est ainsi que le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a exaucé ses vœux en procédant à son premier remaniement, dix-sept mois après son accession à la magistrature suprême. Ce remaniement est marqué par plusieurs changements dans des départements régaliens.

Changements dans les ministères régaliens

Le premier à en faire les frais est le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, qui a quitté ses fonctions. Il est remplacé par Yassine Fall, jusque-là en charge de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, nommé ministre de la Justice et Garde des Sceaux. À son tour, elle est remplacée à la tête de la diplomatie sénégalaise par Cheikh Niang, diplomate chevronné. Ce dernier devient le nouveau ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères.

Parmi les nouvelles figures de l’équipe gouvernementale, on retrouve Déthié Fall, allié des premières heures, qui occupe désormais le poste de ministre des Infrastructures. La surprise vient de la nomination de l’avocat Me Mohamedou Bamba Cissé, qui prend la direction du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, en remplacement de Jean Baptiste Tine. Le portefeuille de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme revient, quant à lui, à Amadou Bâ, marquant l’entrée du député dans le gouvernement.

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En dehors de ces changements, la majorité des ministres et secrétaires d’État conservent leurs postes, traduisant ainsi une volonté de continuité et de stabilité dans l’action de l’exécutif.

Le Premier ministre Ousmane Sonko a tenu à préciser que ce nouvel exécutif ne serait pas « un gouvernement de villégiature », mais « un gouvernement d’engagement et de combat ». Il a insisté sur l’exigence et l’intransigeance qui marqueront son action, affirmant que les membres du gouvernement devront travailler sans relâche, « 24 heures sur 24 et sept jours sur sept », au regard de la situation héritée.

L’opposition parle d’une volonté de « mainmise sur la justice »

Après l’annonce du remaniement, les réactions se sont multipliées au Sénégal. L’Alliance pour la République (APR), ancien parti au pouvoir, affirme prendre acte des nominations tout en dénonçant ce qu’elle qualifie « d’approfondissement de l’instauration d’une dictature » et d’une volonté de « mainmise sur la justice ».

Dans un communiqué, le Secrétariat exécutif national (SEN) de l’APR écrit que les changements aux ministères de la Justice et de l’Intérieur, ainsi que la réorganisation de l’architecture gouvernementale, traduisent, selon eux, la mise en place d’un « Parti-État » au détriment des principes démocratiques. L’APR estime qu’il s’agit d’une situation inacceptable, propre à une autre époque, où la justice et le dispositif électoral seraient instrumentalisés.

 

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Le Parti socialiste émet également un avis critique sur ce remaniement. La secrétaire générale par intérim, Aminata Mbengue Ndiaye, et ses collègues estiment que les changements proposés ne constituent « ni véritables solutions, ni changements significatifs ». Selon eux, il ne s’agit que d’« un simple jeu de chaises musicales », une opération cosmétique sans impact réel sur la vie des populations.

Le Parti socialiste souligne que le gouvernement actuel reste « incapable de répondre aux attentes des Sénégalais » et peine à relever les défis économiques, sociaux et institutionnels du pays. Ces réactions reflètent un climat politique tendu et la défiance d’une partie de l’opposition à l’égard de l’action de l’exécutif.

Pour rappel, ce remaniement intervient dans un contexte économique particulièrement tendu. Le Sénégal fait face à un déficit budgétaire estimé à 14%, tandis que la dette publique représente 119% du PIB. Le chômage touche environ 20% de la population, et la pauvreté affecte 35,7% des Sénégalais, selon les statistiques officielles.

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