Mépris
Il aura suffi d’un communiqué de quelques lignes pour rallumer un feu que l’on croyait éteint. En repoussant d’une semaine la date de libération des joueurs pour la CAN 2025, la FIFA a fait plus que froisser quelques sélectionneurs africains : elle a ravivé un vieux ressentiment, celui d’un continent qui se bat depuis des décennies contre une discrimination structurelle parfaitement assumée.
Qu’on ne s’y trompe pas : cette décision n’est pas un détail logistique, mais un acte politique. « Les clubs auront jusqu’au 15 décembre ». Traduction : l’Afrique peut attendre, l’Europe a parlé. La justification officielle, des « consultations fructueuses » pour « réduire les répercussions », sonne comme un affront. Les seules répercussions qui comptent, ce sont celles des clubs européens, qui disposent aujourd’hui d’une capacité de pression que la FIFA ne cherche même plus à masquer.
Les réactions des sélectionneurs africains, d’une rare virulence, disent tout. Tom Saintfiet, coach du Mali, n’enrobe rien : « C’est catastrophique ». Et il a raison. Annuler des matchs amicaux, revoir un stage entier, reconstruire une préparation à une semaine du regroupement : c’est ce qu’aucune sélection européenne n’accepterait une seule seconde. Mais l’Afrique, elle, devrait dire merci.
Stefano Cusin, aux commandes des Comores, souligne une absurdité qui confine au mépris : hôtels réservés, vols payés, terrains bloqués, tout cela balayé par une décision tardive prise à Zurich. Pour un match d’ouverture le 21 décembre, trois ou quatre jours de préparation en moins ne sont pas un détail : c’est un handicap sportif majeur, volontairement infligé.
La FIFA tente de se justifier en invoquant la Coupe du monde 2022, organisée en pleine saison. Argument fallacieux : un Mondial, c’est l’événement-phare, le joyau que l’instance protège jalousement. La CAN, elle, reste tolérée, jamais prioritaire. Une compétition que l’on aménage, que l’on bouscule, que l’on traite comme une perturbation dans le calendrier européen. Pas comme un tournoi continental majeur.
Le tir nourri contre la FIFA est en fait une critique systémique : le pouvoir technique de la FIFA reste confiné à une vision eurocentrée, façonnée par les intérêts des clubs riches. Et tant pis si cela écrase l’écosystème du football africain.
Claude Le Roy, mémoire vivante de la CAN, va plus loin encore : « une honte ». Et lorsque l’homme aux neuf CAN parle d’agression géopolitique, il touche juste. Sous couvert de neutralité sportive, la FIFA perpétue un rapport de domination : l’Europe décide, le reste du monde s’adapte.
La CAN 2025 devrait être un motif de fierté et de rassemblement. Au lieu de cela, elle commence comme trop souvent : par une humiliation inutile. Une humiliation de plus. Une humiliation de trop. Le football africain mérite mieux que ces gifles répétées. Il mérite d’être traité comme un acteur majeur, pas comme un supplément d’âme.