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Mali : le général Assimi Goïta va-t-il s’éterniser au pouvoir ?

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Mali : Assimi Goïta promulgue la loi abrogeant la charte des partis politiquesAssimi Goita, chef du Conseil militaire et président de la transition du Mali. © DR

Au Mali, comme au Niger et au Burkina Faso, les régimes militaires de l’Alliance des États du Sahel (AES) prolongent leur pouvoir sous couvert de priorités sécuritaires. À Bamako, la récente abrogation de la charte des partis politiques marque un tournant autoritaire. Les recommandations issues de la concertation nationales visent à étouffer le pluralisme et à museler l’opposition. Cette offensive contre les institutions démocratiques s’inscrit dans une stratégie de pérennisation du pouvoir, au détriment des engagements électoraux pris au début de la transition. Détails.

 

Les trois dirigeants de l’Alliance des États du Sahel (AES) partagent un point commun au-delà de leur statut de militaires : ils ont tous prolongé la durée de leur période de transition. À l’image de trompettistes au lever des couleurs, ils ont entonné à l’unisson le récit sécuritaire pour justifier un recul démocratique dans une région minée par les conflits depuis plus d’une décennie. Face à cet argumentaire, les partis politiques sont contraints à des congés forcés — et ce ne sont pas ceux du Mali qui diront le contraire.

En effet, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi visant à abroger la charte des partis politiques ainsi que la loi sur le statut de l’opposition. Une décision prise au lendemain de la clôture de la « consultation des forces vives de la nation », orchestrée par les autorités militaires et largement critiquée pour son manque de transparence.

Les recommandations issues de cette consultation, dont la dissolution des partis politiques et la prolongation du mandat du général Assimi Goïta pour cinq années renouvelables, ont été officiellement transmises au chef de l’État. La mise en œuvre de ces orientations commence donc, sans attendre de validation populaire ni de consultation électorale.

Une offensive contre le pluralisme politique

L’abrogation de la charte des partis constitue une première étape vers un durcissement autoritaire. Selon les autorités, il s’agit de réorganiser en profondeur le paysage politique malien, en supprimant notamment le financement public des partis et en instaurant des conditions drastiques pour la création de nouvelles formations.

Dans le même élan, la suppression du statut de chef de file de l’opposition vise à affaiblir davantage les contre-pouvoirs. Pour les observateurs de la scène politique malienne, cette initiative est en contradiction apparente avec la Constitution qui garantit le pluralisme politique. Cependant, elle ne risque pas d’être bloquée par le Conseil national de transition (CNT) et la Cour constitutionnelle, tous les deux perçus comme inféodés au pouvoir militaire.

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Face à cette poussée autoritaire, la classe politique tente de s’organiser. Les leaders de l’Initiative des partis politiques pour la Charte (Ipac), qui regroupe une centaine de formations, ont prévu une réunion stratégique pour déterminer la riposte. Pour l’un de ses cadres, « il s’agit d’un combat juridico-institutionnel que nous mènerons de manière lucide et légaliste ».

Interrogé par RFI, Abdoulaye Traoré, président du Rassemblement pour la justice sociale (RJS), aujourd’hui en exil, dénonce un « recul démocratique majeur ». Pour lui, les consultations ont été biaisées dès le départ : « Les partis politiques n’y ont pas été conviés. Les conclusions étaient connues d’avance ». Il accuse le régime militaire de vouloir « s’installer illégalement » et de piétiner les acquis démocratiques obtenus depuis la révolution de 1991.

Vers une pérennisation du pouvoir militaire

Le projet de loi controversé s’inscrit dans une stratégie plus large de consolidation du pouvoir militaire. Le général Assimi Goïta, à la tête de la transition depuis 2021, a déjà conduit une série de réformes institutionnelles, dont l’adoption d’une nouvelle Constitution et la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), mais les promesses de retour à l’ordre constitutionnel sont restées lettre morte. L’élection présidentielle, initialement prévue pour février 2024, a été repoussée sine die, puis suspendue.

En avril 2024, les partis politiques avaient déjà vu leurs activités gelées. Aujourd’hui, la dissolution pure et simple semble inévitable, calquant Bamako sur ses partenaires de l’Alliance des États du Sahel (AES), notamment le Niger et le Burkina Faso, où les militaires ont également consolidé leur pouvoir sans échéances électorales.

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Sur le plan économique, la situation reste alarmante. La Banque mondiale relève une inflation persistante, une crise énergétique aigüe et une pauvreté en hausse. Les plans de relance tardent à produire des effets dans un pays frappé par des sécheresses récurrentes.

La sécurité, elle, demeure précaire. Malgré quelques succès militaires, le centre et le nord du pays sont encore le théâtre d’attaques terroristes meurtrières. Dans ce contexte, les autorités justifient le prolongement de la transition par la nécessité de « pacifier » le pays.

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