France au secours
La tentative de coup d’État de dimanche au Bénin a été vite annoncée comme “maîtrisée”. C’est vrai, mais ce serait trop simple de s’arrêter là. Car derrière les communiqués bien rangés, derrière les déclarations officielles, il y a tout un non-dit politique, et surtout une question qui revient avec insistance : que reste-t-il réellement du rôle sécuritaire de la France en Afrique de l’Ouest ?
Ce qui s’est passé dimanche est éclairant. Le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè, chef de la garde républicaine, l’a dit sans détours : l’armée béninoise s’est battue toute la journée, et elle s’est battue durement. Mais en fin d’après-midi, lorsque les mutins se sont retranchés à Togbin, ce sont des frappes nigérianes, puis des forces spéciales françaises venues d’Abidjan, qui ont aidé à nettoyer la zone. Paris, fidèle à son habitude, ne confirme ni n’infirme rien, mais on connaît le langage codé : s’ils ne démentent pas vraiment, c’est rarement par hasard.
Le paradoxe saute aux yeux. Depuis trois ans, la France ne cesse de se retirer du paysage militaire africain. Barkhane a été dissoute en 2022 ; les soldats français ont quitté le Mali, chassés par Bamako. Puis le Burkina a suivi. Puis le Niger. Trois pays, trois ruptures brutales, et la fin d’un dispositif présenté autrefois comme indispensable. Dans la foulée, plusieurs bases ont fermé, les effectifs en Côte d’Ivoire ont été réduits, bref : une page semblait tournée. Paris disait vouloir faire “autrement”, “sur demande”, “sans s’imposer”. Moins présent, plus discret. Moins central, plus périphérique.
Et pourtant, au Bénin, lorsqu’un groupe de soldats mal inspirés décide de jouer avec le destin du pays, la France réapparaît, brièvement, mais au moment critique. Ce n’est pas incohérent, mais c’est révélateur : même en retrait, la France reste parfois le dernier recours d’États qui se retrouvent pris de court. Le dilemme est là. Dans une région où l’opinion publique se crispe, où les régimes militaires surfent sur un discours antifrançais devenu presque automatique, cette aide ponctuelle risque d’être exploitée par tous ceux qui aiment expliquer que Paris tire encore les ficelles. Et pourtant, refuser un soutien extérieur aurait été irresponsable : la capitale économique était en tension, les combats étaient réels, les mutins suffisamment armés pour semer le chaos.
Reste que la question de fond demeure : comment un pays qui se veut stable, avec des institutions solides, peut-il encore dépendre d’un appui étranger, même modeste, pour contenir une menace interne ? C’est un sujet sensible, surtout à quelques mois d’une présidentielle où les tensions politiques s’accumulent déjà en silence.
Le Bénin a tenu. Peut-être mieux que d’autres ces dernières années. Mais cette crise, brève et brutale, rappelle que la région vit un moment de bascule : la France s’est retirée, les putschs se multiplient, la CEDEAO s’essouffle, et personne ne sait encore très bien qui prendra le relais durablement. Le coup d’État a échoué. Tant mieux. Mais la question qui dérange demeure, flottant comme une ombre sur cette victoire : qui protège vraiment la stabilité du Bénin aujourd’hui ? Et plus largement : dans une Afrique de l’Ouest en pleine recomposition, qui en assumera la charge demain ?