Boualem Sansal gracié par Abdelmadjid Tebboune après une médiation allemande
Presque un an après son arrestation à Alger, l’écrivain Boualem Sansal retrouve la liberté. Sa grâce présidentielle, annoncée le 12 novembre, résulte d’une intense négociation diplomatique entre l’Algérie, la France et surtout l’Allemagne, qui a joué le rôle d’intermédiaire décisif. L’affaire a longtemps embarrassé les chancelleries européennes.
C’est finalement Berlin qui a permis la libération de Boualem Sansal. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a directement sollicité Abdelmadjid Tebboune pour accorder une grâce humanitaire à l’écrivain de 81 ans, condamné en juillet à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale ».
L’offre de médiation allemande, formulée début novembre, proposait que Sansal soit transféré en Allemagne pour y recevoir des soins médicaux, en raison de son âge avancé et de son état de santé fragile. La présidence algérienne a confirmé ce mercredi 12 novembre que « l’État allemand se chargera du transfert et des soins de la personne concernée ».
Cette intervention de Steinmeier, préparée de concert avec la diplomatie française, a été saluée à Paris. Depuis plusieurs mois, les autorités françaises réclamaient « un geste d’humanité » pour l’auteur de Le village de l’Allemand, dont la famille avait alerté à plusieurs reprises sur la dégradation de son état de santé.
Sansal : une affaire sensible entre Alger et Paris
L’arrestation de Boualem Sansal, le 16 novembre 2024, à son arrivée à l’aéroport d’Alger, avait provoqué un vif émoi dans les milieux intellectuels et diplomatiques. L’écrivain, connu pour ses positions critiques envers le pouvoir algérien, avait été condamné pour avoir affirmé qu’une partie du territoire algérien appartenait historiquement au Maroc, des propos jugés attentatoires à l’unité nationale.
Cette affaire avait compliqué les relations entre Alger et Paris, déjà fragilisées par plusieurs différends politiques et mémoriels. L’exécutif français avait préféré agir discrètement, tout en plaidant auprès des autorités algériennes pour une issue apaisée.
La médiation allemande a ainsi permis de débloquer un dossier devenu embarrassant pour les trois capitales. En Allemagne, la demande de grâce a été présentée comme un « acte humanitaire et de clairvoyance politique », selon les mots du président Steinmeier. Celui-ci a souligné que cette initiative « reflétait sa relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays ».
Algérie : Boualem Sansal condamné à cinq ans de prison en appel
Tebboune et Berlin : un dialogue de confiance
La décision de Abdelmadjid Tebboune intervient dans un contexte de rapprochement discret mais réel entre Alger et Berlin. Le président algérien avait évoqué, en septembre dernier, la possibilité d’une visite officielle en Allemagne fin 2025 ou début 2026, sans qu’aucune date n’ait encore été arrêtée.
Les relations bilatérales ont gagné en intensité ces dernières années, notamment depuis que Tebboune a lui-même été soigné en Allemagne après avoir contracté la Covid-19 entre fin 2020 et début 2021.
Pour Alger, cette grâce présidentielle offre une sortie honorable à une affaire devenue symbolique des tensions autour de la liberté d’expression. Pour Berlin et Paris, elle marque la réussite d’une coopération diplomatique rare, dans une région où les sensibilités politiques restent exacerbées.
Cependant, un autre dossier demeure ouvert : celui du journaliste français Christophe Gleizes, toujours détenu en Algérie. Condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme », il doit comparaître en appel le 3 décembre. Sa situation pourrait à nouveau tester la capacité des chancelleries européennes à parler d’une seule voix face à Alger.