Somalie : Mogadiscio vote pour la première fois depuis près de 60 ans

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Somalie : Mogadiscio vote pour la première fois depuis près de 60 ansUn électeur glisse son bulletin de vote pour les élections locales de Mogadiscio, en Somalie, le 25 décembre 2025 © AFP Hassan Ali ELMI
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Mogadiscio a vécu, jeudi, une journée historique. Les habitants du grand Mogadiscio ont été appelés aux urnes pour des élections locales, les premières organisées au suffrage universel direct dans la capitale somalienne depuis près de six décennies, le tout sous un dispositif de sécurité renforcé.

Dès les premières heures de la matinée, de longues files d’électeurs se sont formées devant les bureaux de vote. Beaucoup d’entre eux votaient pour la toute première fois de leur vie. Dans l’après-midi, l’affluence a toutefois nettement diminué, selon des observations de l’AFP dans une douzaine de centres de vote.

« J’ai fait la queue pendant des heures avant de pouvoir mettre mon bulletin dans l’urne. J’étais tellement heureux de faire partie de tout ça », a confié Ali Salad, 51 ans. Pour Guhad Ali, 37 ans, l’émotion était tout aussi palpable : « C’est un grand jour », a-t-il déclaré en montrant son doigt marqué à l’encre, preuve de sa participation au scrutin.

Sécurité maximale dans la capitale

Confronté depuis 2006 à une insurrection affiliée à Al-Qaïda, le gouvernement somalien a déployé plus de 10.000 membres des forces de sécurité à Mogadiscio pour prévenir toute attaque. Si les combats se poursuivent encore à une soixantaine de kilomètres de la capitale, la situation sécuritaire s’y est nettement améliorée ces dernières années.

Cette amélioration n’a cependant pas empêché plusieurs incidents majeurs récemment, dont une tentative d’attentat contre le convoi présidentiel, des tirs de mortier près de l’aéroport et l’attaque d’un centre de détention. « La sécurité est assurée à 100% », a assuré Moalim Mahdi, cadre de la police, appelant les citoyens à faire confiance aux forces déployées pour le scrutin.

Lire aussi : Maroc-Somalie : feuille de route 2026-2028 pour une coopération élargie

Un test avant la présidentielle de 2026

Ces élections locales sont perçues comme un test majeur avant l’élection présidentielle prévue en 2026, à la fin du mandat du président Hassan Sheikh Mohamud. Après avoir voté au théâtre national, ce dernier a salué « le futur du peuple somalien », appelant les citoyens à suivre « le chemin de la démocratie ».

Mais le scrutin est loin de faire l’unanimité. Les principaux partis d’opposition ont boycotté l’élection. La Coalition pour le futur de la Somalie, par la voix de l’ancien Premier ministre Hassan Ali Kheire, a dénoncé un processus qu’elle juge « non légitime ». « Il s’agit d’une élection orchestrée par un parti pour tenter de justifier une prolongation de mandat qui ne sera pas acceptée », a-t-il affirmé. Un point de vue partagé par certains habitants. « Je ne suis pas allé voter et je sais que le processus n’est pas inclusif », a déclaré Mohamed Yare, rencontré par l’AFP.

Un retour controversé au suffrage universel

Selon la commission électorale, près de 400.000 électeurs inscrits, sur une population de plus de deux millions d’habitants dans la région de Mogadiscio, étaient attendus pour départager environ 1.600 candidats en lice pour 390 sièges locaux.

Le vote direct avait été supprimé en Somalie après l’arrivée au pouvoir du dictateur Siad Barre en 1969. Depuis sa chute en 1991, le système politique repose essentiellement sur un partage du pouvoir entre clans et sous-clans.

Si le suffrage universel est pratiqué au Somaliland, région séparatiste non reconnue internationalement, et a été brièvement expérimenté au Puntland en 2023, son retour au niveau fédéral reste très controversé. Approuvé en août 2024, il est perçu par une partie de l’opposition comme une manœuvre du président pour prolonger son maintien au pouvoir.

Reporté à trois reprises cette année, le scrutin de Mogadiscio ravive ainsi les tensions politiques. À l’approche de 2026, aucun consensus n’a encore émergé sur l’organisation des prochaines élections législatives et présidentielles, l’opposition menaçant de lancer un processus parallèle si le gouvernement persiste dans l’organisation d’un vote direct.

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