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Santé : histoire des grandes maladies au Maroc

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Le premier cas de Monkeypox (variole du singe) a été détecté jeudi au Maroc. Le ministère de la Santé et de la Protection sociale a précisé qu’il s’agit d’une personne arrivée dans le Royaume en provenance d’un pays européen. Historiquement, toutes les grandes maladies qui ont touché le Maroc, provenaient de l’étranger. Flashback.

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Depuis la nuit des temps, les maladies ont toujours jalonné l’histoire de l’humanité. Les historiens rapportent des épisodes de maladies graves, d’épidémies et de pandémies, dont certaines très meurtrières. Cinq grandes maladies dites “pestilentielles” ont bouleversé le cours de l’histoire : la peste, le choléra, la fièvre jaune, le typhus exanthématique et la variole. En dehors d’elles, la tuberculose, le scorbut, la syphilis et le paludisme ont décimé bien des populations, sans parler d’autres maladies moins graves comme la varicelle ou la lèpre. Au Maroc, l’avènement de l’Islam permettra de documenter les différentes phases épidémiques, à commencer par celle de la peste noire du XIVe siècle.

Le rôle du transport maritime dans la propagation des épidémies au Maroc s’est accentué au XVIIIe siècle surtout avec le mouvement des commerçants et des pèlerins, causant par intermittence l’application de quarantaines dans les ports marocains à la demande des pays européens, comme le révèlent de nombreux documents.

Jayha, Bouglib, Bounettaf, Bouzarouita… Des noms que les Marocains ont attribués aux épidémies à travers les temps. La légende populaire et l’imaginaire collectif ont même décrit certaines maladies, leurs durées d’incubation, les antidotes pour en guérir, les signes avant-coureurs d’une mort ‘‘certaine’’ de la personne contaminée ou encore le rite funéraire. Pour rester dans l’actualité, dans les zones campagnardes, on certifie que pour en finir avec Jadri (la variole), il faut faire bouillir des légumineuses (lentilles, pois chiches…) et les donner au malade qui doit en plus inhaler la vapeur de la préparation culinaire pendant plusieurs jours.

Les principales épidémies enregistrées au Maroc

En 1348, le Royaume est ravagé par la peste noire. On déplore alors des centaines de décès mais c’est entre 1595 et 1607 que la peste va anéantir le peuple marocain avec un chaos sans pareil et des milliers de morts (entre 1.000 et 2.000 morts par jour lors du pic épidémique). Introduite au Maroc par les Séfarades, les Morisques et les Maures andalous, elle fera des ravages un peu partout dans le Royaume avec un foyer épidémique principal dans le Souss. Elle aurait décimé entre le tiers et la moitié de la population marocaine de l’époque estimée à 7 millions d’âmes. Cette maladie précipitera l’effondrement de la dynastie saâdienne après la mort du sultan Al Mansour Addahbi en 1603, emporté lui aussi par la peste, alors qu’il s’était confiné à Fès, ne recevant presque personne et ne touchant aucune lettre provenant du Souss.

Maladie de rongeurs (des rats, principalement, qui se trouvaient notamment sur les navires de commerce) transmise à l’humain par les piqûres de puces de ces bêtes infectées, la peste était extrêmement contagieuse. On l’appelait aussi « la maladie des bosses », en référence aux  » bosses  » – des ulcères – qu’elle forme sur la peau lorsque qu’elle est bubonique (la forme la plus fréquente de la peste). L’infection peut être localisée ou généralisée. Un (ou plusieurs) ganglion lymphatique qui drainait la zone de piqûre de la puce infectée augmentait de volume et faisait terriblement souffrir les malades, qui ressentaient par ailleurs des symptômes grippaux (forte fièvre, courbatures…). Dans la majorité des cas, la maladie évoluait vers une forme pulmonaire (mortelle) ou septicémique. La maladie se transmettait d’un humain à un autre, via les gouttelettes de salives. Sans traitement rapide, les malades perdaient la vie en trois jours.

L’autre maladie ayant profondément marqué la société marocaine : le typhus. Jusqu’à ce jour, des expressions injurieuses, tournant autour de cette maladie, sont proférées quand on veut maudire une personne. Apparu au XVIe siècle, c’est au XXe siècle qu’il se déchaînera, exalté par le fait colonial avec quatre grands épisodes épidémiques (1914-1915, 1920-1921, 1928-1929 et 1942-1943). C’est l’hécatombe avec pas moins de 10 morts par jour dans les grandes villes.

Le typhus exanthématique est dû à la bactérie Rickettsia prowazekii, transmise par les déjections des poux de corps. Un pou devient porteur de cette bactérie en se nourrissant du sang d’une personne infectée. Ce pou se retrouve ensuite chez un hôte sain et va l’infecter. La maladie peut également se transmettre par les yeux ou par les voies respiratoires. Surviennent alors une fièvre brutale et élevée, de fortes douleurs dorsales et musculaires, des frissons, des maux de tête et des nausées, semblables aux symptômes de la grippe. Une éruption cutanée sur une grande partie du corps, tâches (rouges sur les peaux blanches) apparaissant entre le quatrième et le sixième jour. Une toux est aussi constatée et le malade commence à délirer. L’incubation du typhus exanthématique peut aller d’une à trois semaines. Il faut dire les choses comme elles sont ou comme elles étaient à l’époque, l’hygiène des Marocains laissait à désirer à cause de leur misère. «Début 1914, le médecin-chef de la municipalité de Rabat, débordé par la poussé du typhus qui accable des milliers de « miséreux », dit à la fois son admiration envers les gens minuscules, qu’imprègne un stoïcisme musulman, et sa révolte du fait de l’impotence des moyens à sa disposition : sur 2400 isolés, combien eussent été guéris promptement s’ils avaient été alités dans des chambres closes et saines ? Et combien ont péri, sans murmures, parce qu’ils n’avaient pour abri qu’une toile, et pour lit que des nattes ?» (‘‘Hygiénisme colonial et médicalisation de la société marocaine au temps du protectorat français : 1912-1956’’, Daniel Rivet)

Le protectorat s’est donc forcé de limiter la propagation du typhus qui risquait de toucher la population européenne et non plus exclusivement les «indigènes». Il distribue alors à grande échelle savon et produits alcalins pour l’hygiène et la propreté du linge, et mène une large campagne de vaccination et de désinfection. Les professionnels de la santé se rendent dans toutes les régions du Royaume pour ausculter les malades et vacciner la population. «En 1942, j’avais à peine 8 ans. Je me souviens qu’on nous rassemblait dans la cour d’une école et on nous aspergeait avec un tuyau avant de nous appliquer des produits prophylactiques partout sur le corps et du shampoing sur les cheveux», raconte S. Chakib, natif du quartier Bouchentouf à Casablanca.

Une mosquée transformée en hôpital à Casablanca

Une mosquée transformée en hôpital à Casablanca dans les années 1920 © DR

Le Maroc indépendant sera confronté à sa première véritable épidémie au début des années 1970. Le choléra, qui était endémique au Maroc ayant fait des milliers de morts auparavant, réapparait et se propage rapidement. On recense un millier de cas de choléra entre juin et juillet 1971. L’État lance alors une campagne de vaccination obligatoire. Rien qu’à Casablanca, ce sont 1,6 million d’habitants qui reçoivent une injection en six petits jours…

Le choléra est une maladie diarrhéique causée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par la bactérie Vibrio cholerae. À l’échelle de la planète, il touche annuellement de trois à cinq millions de personnes et entraîne de 100.000 à 120.000 décès. L’infection au choléra peut entraîner plusieurs symptômes, notamment : une diarrhée aqueuse abondante, mais sans douleur (selles riziformes); des vomissements de liquide clair; des nausées. L’incubation – de quelques heures à quelques jours – est suivie de violentes diarrhées et de vomissements, sans fièvre. En l’absence de traitement, dans ses manifestations les plus sévères, le choléra est l’une des maladies infectieuses les plus rapidement mortelles.

Après plus d’une décennie d’accalmie, le Royaume connaîtra une nouvelle flambée de choléra en 1989-1990 qui a été la dernière. Le dernier cas de choléra a été enregistré en 1997, date d’annonce de l’éradication définitive du fléau.

Épidémie et sécheresse : quel lien ?

Bizarrement, toutes les épidémies qui ont touché le Maroc étaient souvent associées aux sécheresses, aux invasions de criquets pèlerins et aux famines. Selon plusieurs récits historiques, la baisse des pluies et la faiblesse de la production agricole contribuaient à une explosion du nombre de contaminés en temps de pandémie. «L’hiver 1660-1661 fut rigoureux : froid d’abord et sec ensuite. En décembre 1660 on vit la neige à Fez, phénomène assez rare pour être noté, mais par la suite il ne tomba pas d’eau pendant plus de deux mois, et à la fin de février, les gens faisaient des prières pour la pluie à la Qarawiyin», peut-on lire dans Hesperis Tamuda.

Conséquences : famine et violence avec un pays désemparé pendant plusieurs années successives. Au XVIIIe siècle, le manque d’hygiène et de nourriture favorisera la réapparition de la peste, mais aussi la propagation du typhus, de la fièvre et du choléra. Redouté par les différents monarques du XVIIIe et du XIXe siècles, le couple famine-maladie jouera les prolongations jusqu’au 20e siècle. Sous le protectorat français, entre 1940 et 1947, nos aïeuls ont vécu Aâm al boun (l’année du bon) l’une des pires sécheresses associée à diverses maladies dévastatrices. Confronté à une situation critique, le gouvernement de Vichy entreprend alors le rationnement, «sur une base ethnique avantageant les Français au détriment des Juifs puis des Musulmans». (« Il était une fois le Maroc », Editions iUniverse). 200.000 Marocains succomberont à cause de cette crise.

Le Maroc a été affecté par plusieurs calamités tout au long de son histoire. Celles des XXe et XXIe siècles ont été répertoriées avec précision à travers des écrits, des photos et même des vidéos. Aujourd’hui, le Royaume se bat toujours pour en finir avec la pandémie de Covid-19 et repousser toute infection à grande échelle à la variole du singe. Les experts soutiennent que les épidémies frappent trois fois par siècle, espérons qu’après la Covid-19, les 80 prochaines années seront d’une violence moins cataclysmique pour les Marocains même s’ils s’en sont toujours relevés.

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