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Égypte : à trois jours de la présidentielle, el-Sissi déjà vainqueur ?

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Dix ans après son élection à la tête du pays, le chef de l’État égyptien Abdel-Fattah el-Sissi est donné pour grand favori de la présidentielle organisée du 10 au 12 décembre. L’ancien maréchal pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2030, à l’issue d’un scrutin que beaucoup considèrent joué d’avance. Si sa victoire est pratiquement assurée, l’Égypte devra composer avec un climat post-électoral marqué par de nouvelles difficultés économiques et le risque de dommages collatéraux liés à la guerre à Gaza.

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Il y a dix ans, il succédait à Mohamed Morsi, premier chef d’État égyptien élu au suffrage universel, Abdel Fattah el-Sissi pourrait diriger le pays jusqu’en 2030, malgré un bilan économique et sécuritaire peu convaincant.

Pendant 3 jours (du 10 au 12 décembre), 105 millions d’Égyptiens se rendront aux urnes pour élire, parmi les quatre candidats à la présidentielle, le locataire du Palais d’el-Orouba. Début décembre, quelque 9 millions d’Égyptiens de la diaspora ont voté par anticipation. Le nom du vainqueur sera annoncé le 18 décembre.

Le seul candidat significatif

Donné pour grand favori, el-Sissi, qui a remporté les deux précédentes élections de 2014 et de 2018 avec plus de 96% des voix, avait en 2019 fait changer la Constitution afin de pouvoir se présenter une troisième fois, allongeant par la même le mandat présidentiel de quatre à six ans. Face à lui, trois candidats sans grand soutien populaire : Farid Zahran, à la tête du Parti égyptien démocratique et social, Abdel-Sanad Yamama, dirigeant du Wafd, parti centenaire désormais et Hazem Omar, celui du Parti populaire républicain.

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«Les trois candidats sont faibles et ne sont pas si importants par rapport à l’élection, car nous savons déjà que les résultats sont clairs», a déclaré Giuseppe Dentice, chef du bureau MENA au Centre des études internationales, sollicité par The New Arab (TNA). «Le seul candidat significatif est le président Sissi, dont nous pouvons nous attendre à ce qu’il remporte les élections avec un large consensus. »

De leur côté, Hisham Kassem, chef de file de l’opposition libérale, et l’ancien parlementaire, Ahmed al-Tantawi, ayant tous deux rassemblé les espoirs de l’opposition pendant quelques mois ont, dès le mois d’octobre, été écarté. Le premier a été condamné à six mois de prison et le second a renoncé à se présenter.

Plusieurs des soutiens de l’opposant politique égyptien et ancien candidat à la présidence, Ahmed Altantawy, ont témoigné avoir été agressés par des hommes de main ou empêchés d’enregistrer leur signature par des fonctionnaires selon eux aux ordres du pouvoir. Son directeur de campagne a indiqué n’avoir réuni que «14.000 signatures» de citoyens sur le quota nécessaire pour pouvoir se présenter au scrutin. La loi électorale égyptienne stipule que chaque candidat doit obtenir le soutien de 20 législateurs ou de 25.000 citoyens pour être éligible.

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La dissidence face à el-Sissi

Dès le 1er octobre, les autorités égyptiennes ont en effet intensifié la répression de la dissidence, s’en prenant aux opposants politiques, aux manifestants pacifiques et autres détracteurs, a révélé courant du mois de novembre Amnesty International. Dans un rapport publié le 2 octobre, six organisations internationales et égyptiennes de défense de droits humains dénoncent le «recours massif et systématique à la torture par les autorités» en Égypte – ce qui, selon elles, «constitue un crime contre l’humanité au regard du droit international».

«Une fois de plus, les autorités égyptiennes dévoilent leur intolérance totale à l’égard du moindre murmure de dissidence. Dans leur étouffante toile de répression sont pris au piège des individus qui osent envisager un avenir politique alternatif, mais aussi ceux qui, en exprimant pacifiquement leur solidarité pro-palestinienne, s’écartent de la rhétorique validée par l’État et des zones de manifestation désignées», a déclaré Philip Luther, directeur de la recherche et de l’action de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au sein de l’ONG.

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L’élection elle-même devrait se dérouler sans résultats surprenants. «C’est la troisième élection présidentielle à laquelle Sissi se présente, et la question de sa victoire de facto est largement reconnue, sans compter que le processus de nomination s’est soldé par l’approbation d’un nombre limité de candidats moins connus», a indiqué auprès de TNA, le chercheur politique, Sherif Mohayeldeen, qui s’attend à ce que le taux de participations aux prochaines élections reste faible et ne dépasse pas 50% du total des personnes ayant le doit de vote.

L’économie, cheval de bataille

Mais pour les analystes politiques, les événements post-électoraux sont bien plus importants. «La chose la plus importante dans cette élection est la période post-électorale, où Sissi doit gérer la crise économique et en même temps empêcher tout impact collatéral de la guerre à Gaza», a déclaré le chef du bureau MENA au Centre des études internationales.

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Car la question économique sera le principal enjeu du scrutin dans un pays où deux tiers de la population vivent sous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté. Selon les experts 2024 devrait être une année critique pour l’Égypte sur le plan financier. Le pays doit rembourser un montant record de 29 milliards de dollars de dettes en cours et l’inflation oscille autour de 30% sans aucun signe immédiat de déclin, affectant des millions de ménages. Et les récentes primes et augmentations annoncées par le président pour les fonctionnaires et retraités n’ont eu que peu d’effets.

De nombreuses spéculations circulent selon lesquelles la Banque centrale égyptienne appuierait sur la gâchette d’une dévaluation tant attendue de la monnaie dans les semaines qui suivraient les élections. Une fois que Sissi aura obtenu une forte majorité, il mettra probablement en œuvre une série de réformes visant à remédier à la situation économique, a déclaré Dentice à TNA. L’expert avance la pression exercée par le FMI et d’autres partenaires internationaux pour mettre en œuvre des politiques de réforme, en particulier des politiques économiques.