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Ramadan à l’étranger : une expérience à part

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Si le mois sacré débute dimanche 3 avril 2022 au Maroc, il a commencé ce samedi 2 avril dans les pays d’Europe, d’Amérique et d’Asie à quelques exceptions près. Les immigrés installés dans des pays non musulmans doivent composer avec les contraintes d’un rythme «normal» pendant le mois de jeûne. Une expérience très spéciale…

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Ramadan a débuté ce samedi 2 avril en Espagne, en France, en Belgique, aux USA, au Gabon, dans les pays du Golfe et dans d’autres contrées dans le monde. Au Maroc, le mois de Chaâbane aura épuisé ses 30 jours suite à la non-observation du croissant lunaire du mois béni vendredi après la prière d’Al-Maghrib. Après deux années marquées par des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 – fermeture des lieux de culte, couvre-feu, restrictions sur les déplacements -, le mois sacré est marqué cette année par un retour à la normale avec l’organisation des « Tarawih », les prières nocturnes surérogatoires.

Pour la diaspora marocaine, le mois de Ramadan se déroule dans une ambiance presque habituellequand il est vécu dans un pays du monde islamique, mais l’expérience est très différente quand il s’agit d’un pays non musulman. Qu’ils fassent partie de la deuxième religion du pays – comme en France – ou de la première minorité religieuse – comme en Grèce -, les Marocains doivent faire preuve de patience pour surmonter les difficultés d’intégration dans les sociétés qui les accueillent.

Voeux des dirigeants

Le mois de Ramadan qui commence est « une occasion de se rassembler et de s’élever mutuellement« , a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, en rappelant que le Saint Coran nous enseigne que Dieu a créé les nations et les tribus « pour que nous nous connaissions entre nous« .Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a exprimé, pour sa part vendredi, ses vœux de «paix et de bonheur à tous ceux qui célèbrent le Ramadan», mois saint des Musulmans. C’est ce qui ressort d’une vidéo diffusée en français et en anglais sur le compte Facebookde Justin Trudeau et d’une Déclaration mise en ligne.

Idem pour le président américain, Joe Biden qui a adresséses meilleurs vœux à la communauté musulmane aux Etats-Unis et dans le monde à l’occasion de l’avènement du mois de Ramadan. « Jill et moi adressons nos meilleurs vœux aux communautés musulmanes des États-Unis et du monde entier à l’occasion du début du mois béni du Ramadan », indique un communiqué diffusé par la Maison Blanche au nom du président américain et de son épouse.

Tolérance et solidarité

Ici comme ailleurs, Ramadan est bien présent dans les marchés, surtout ceux de la communauté musulmane, avec des étals croulant sous le poids de dattes, de gâteaux et autres denrées alimentaires spécifiques à ce mois. Les vendeurs d’habits traditionnels proposent pour leur part aux fidèles un florilège de costumes (djellaba, gandoura, âbaya, selham…), outre les accessoires indispensables aux prières (tapis, chapelets, parfums…). Àleur tour, les mosquées et autres salles de prière se sont préparées depuis des semaines pour le mois sacré, entre travaux de peinture et de modernisation des installations et du matériel sonore. Les associations sont aussi sur le qui-vive. Elles se mobilisent pour venir en aide aux nécessiteux et alléger leurs souffrances lors de ce mois béni de bienfaisance et d’altruisme, notamment dans le sillage d’un renchérissement sans précédent du coût de la vie lié à la guerre en Ukraine.

De Montréal à Stockholm, de Tokyo à Sydney, un peu partout dans le monde, des  »Iftars » collectifs, auxquels sont conviés des concitoyens pratiquant d’autres confessions, sont organisés par la communauté musulmane dans laquelle les Marocains sont très actifs. C’est là un témoignage éloquent de tolérance et d’amour envers son prochain, dans un contexte mondial marqué par une montée de l’islamophobie.

Lire aussi :Errances ramadanesques : dans l’univers soufi

Imams et prédicateurs marocains en mission ramadanesque

L’envoi d’imams et de prédicateurs dans les principaux pays de résidence de la communauté marocaine à l’étranger, pendant le mois de Ramadan, est une tradition perpétuée depuis deux décennies. Objectif : assurer un encadrement religieux de proximité aux Marocains du monde durant le mois sacré. Ce programme d’encadrement religieux de la communauté marocaine permet aux fidèles de rentrer en contact direct avec un grand nombre de prédicateurs, de prédicatrices et de psalmodieurs Envoyés par le ministère des Habous et des Affaires islamiques et la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, ils étaient près de 700 à s’envoler pour le Vieux-continent, le Canada et le Gabon en 2019 pour diriger les prières, donner des conférences et animer les veillées religieuses.

Àsavoir que les pays qui n’ont pas d’organisations officielles représentant le champ religieux marocain ne sont pas inclus, faute de garanties réelles pour l’accueil de la délégation marocaine (Portugal, Suisse, Roumanie…). Le personnel religieux envoyé bénéficie d’une rémunération de 1.000 dirhams par jour. En contrepartie, les psalmodieurs et prédicateurs signent une charte de bonne conduite.Les prédicateurs sont appelés à ne pas aborder des sujets politiques, polémiques, et à agir dans le respect des lois du pays d’accueil.

Composer avec les contraintes du quotidien

Pas d’horaires aménagés dans les pays occidentaux pour les musulmans pendant le mois de Ramadan. Ces derniers ne peuvent se permettre de justifier une baisse de productivité ni de sortir de l’ambiance de l’équipe de travail. Si dans la plupart des secteurs d’activité, les travailleurs quittent leur boulot avant l’heure de la rupture du jeûne, des exceptions dans les segments de services et du commerce obligent les employés musulmans à rompre le jeûne sur le lieu de travail. Un travail pénible souvent, des heures de jeûne plus longues et surtout la ghorba qui devient insupportable… Si au Maroc, la vie nocturne est animée après le ftour, ce n’est pas le cas dans les pays non musulmans. Mis à part les lieux de culte qui accueillent les fidèles pour un important moment de spiritualité et de communion, c’est le petit écran qui regroupe les Marocains du monde branchés sur les chaînes marocaines, un verre de thé à la main.

C’est connu. En raison de leur position géographique par rapport à l’équateur, les pays proches de l’hémisphère Nord ont de longues heures de jeûne (cf. encadré). Adil Essouti en sait quelque chose. Notre compatriote avait été embauché par une entreprise finlandaise en 2015. Il raconte qu’il a vécu pendant deux années consécutives son expérience de jeûne la plus éprouvante. «Les journées étaient longues, interminables. Après le ftour, j’avais à peine le temps de faire la prière et de prendre le s’hour avant une nouvelle journée de jeûne. Les “nuits blanches” et leur luminosité diurne couplées au jeûne ont bousillé mon horloge biologique», témoigne cet ex-immigré à Helsinki.

Traditions préservées

La diaspora marocaine tente de maintenir les traditions liées au mois de Ramadan afin d’éviter de se sentir dépaysée. Les plats marocains sont reproduits à l’identique et grâce aux nouvelles technologies, le contact est maintenu avec la famille et les tables ramadanesques partagées en direct par vidéo. Karima Hasnaoui, Marocaine établie en Nouvelle-Zélande en témoigne: «C’est très spécial d’être loin du pays pendant le Ramadan. Tout ce qui fait la beauté de ce mois me manque. Ici, c’est différent même triste». Pour notre interlocutrice, les sitcomsne remplacent pas les retrouvailles familiales pendant le mois sacré. «Je suis gênée de devoir tout le temps expliquer à mon entourage que je ne peux pas boire ou manger pendant la journée. C’est comme si je devais me retenir, ne pas exposer ma religiosité», ajoute-t-elle.

A Bruxelles, le quartier Molenbeek ressemble au Maroc. Msemmen, baghrir et harira font partie du décor grâce une forte communauté marocaine. Ici, tout est prêt. Pas besoin de passer sa journée aux fourneaux. Il y a des dizaines de commerces marocains qui proposent des choses très appétissantes. Plusieurs jours déjà avant l’évènement, les façades de commerces tenus pour la plupart par des Marocains ou des Turcs rivalisent de décorations, de couleurs et de senteurs. L’on y trouve plusieurs variétés de dattes, d’épices et de gâteaux importés spécialement pour l’occasion.

Marché Bruxelles

«Quelques heures avant la rupture du jeûne, les quartiers bruxellois de Saint-Josse et de Molenbeek, où réside une grande communauté marocaine, vivent à l’heure des marchés populaires du Royaume», décrit le chef du bureau de l’agence MAP dans la capitale belge.«Le soir venu, c’est au tour des cafés et autres lieux de rencontres d’être pris d’assaut par les noctambules. Ils y trouvent du bon thé et d’autres douceurs du bled, un service convivial et même des titres de la presse marocaine», assure Adil Zaari Jabiri.

Lire aussi :Ramadan : évasion dans les ruelles des médinas

Pour les Marocains du monde, le mois sacré est un moment fédérateur pendant lequel ils s’emploient, tout en accomplissant leur devoir religieux, à recréer des airs similaires de cette inégalable ambiance ramadanesque du Maroc. Ramadan offre un espace où les liens sociaux se resserrent, une occasion de domination de l’esprit sur le corps, de dépouillement de soi pour s’ouvrir aux autres. Où que l’on soit, c’est ça l’esprit du Ramadan.

Nombre d’heures jeûnées dans quelques villes à travers le monde: –Islamabad, Pakistan: 16 heures –New Delhi, Inde: 15 heures –Ankara, Turquie: 14 heures et 30 minutes – Téhéran, Iran: 16 heures – Kaboul, Afghanistan: 17 heures – Singapour,13 heures et 30 minutes – Dakar, Sénégal: 14 heures – Washington, Etats-Unis: 16 heures – Londres, Royaume-Uni: 18 heures et 30 minutes – Paris, France: 17 heures – Berlin, Allemagne: 19 heures – Madrid, Espagne: 16 heures et 30 minutes – Glasgow, Ecosse: 18 heures – Oslo, Norvège: 20 heures – Zurich, Suisse: 18 heures – Helsinki, Finlande: 20 heures – Varsovie, Pologne: 18 heures et 30 minutes – Wellington, Nouvelle Zélande: 11 heures et 30 minutes – Nuuk, Groenland: 20 heures – Moscou, Russie: 20 heures – Pékin, Chine: 16 heures et 30 minutes – Tokyo, Japon: 16 heures – Hong Kong: 15 heures – Ottawa, Canada: 16 heures – Bangkok, Thaïlande: 14 heures – Canberra, Australie: 11 heures et 59 minutes – Le Cap, Afrique du Sud: 11 heures y 30 minutes –Ushuaia, Argentine: 11 heures – Santiago, Chili: 12 heures et 41 minutes – Buenos Aires, Argentine: 12 heures

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